Littérature étrangère

Anne-Cathrine Riebnitzsky

Les Guerres de Lisa

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photo libraire

Chronique de Coline Hugel

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Il y a quelques années, les éditions Gaïa nous avaient offert le sublimissime livre de Maria Ernestam, Les Oreilles de Buster (Babel). Cette fois, elles nous font découvrir la très belle plume d’Anne-Cathrine Riebnitzsky, nouvelle venue dans la littérature danoise.

Dans l’avion qui la ramène d’Afghanistan, Lisa essaye de laisser derrière elle le chaos de la guerre, la mort, la douleur, la colère, la peur. Il faut qu’elle soit au mieux pour affronter une terrible nouvelle : sa sœur Marie, sa petite sœur chérie, vient de faire une tentative de suicide. Marie, c’est la petite dernière de la fratrie. Elle est blonde aux yeux bleus, elle est belle et douce, elle est fragile. C’est l’artiste de la famille, celle qui a le talent. Elle n’a pas le « soupçon de dureté » d’Ivan, l’aîné, le « soupçon de médiocrité » de Lisa, ni le « soupçon de l’indifférence […] vis-à-vis de l’opinion d’autrui » de Peter, qui lui auraient pourtant permis d’avoir la force nécessaire pour affronter le monde. À côté de Lisa, dans l’avion, il y a un homme, beau, fort, séduisant, mais a priori inaccessible. Elle a décidé de tout lui raconter. Sa vie qui a été « comme grandir du côté Est du mur de Berlin. Voir tout partir en morceaux et se rendre compte qu’on a vécu sur un mensonge. » Le meurtre. Et surtout, le mal qui l’a précédé. Par petites touches, Anne-Cathrine Riebnitzsky dessine le portrait d’une fille forte mais meurtrie, d’une famille qui essaye de sauver les apparences tout en ayant du mal à faire face, d’une mère à côté de la plaque qui tente néanmoins de tenir le cap, d’un père dur, perdu, dérouté, et d’une fratrie qui fait bloc, désespérément, afin de survivre. Les événements tragiques se succèdent, brisant doucement le semblant d’harmonie familiale, et Lisa traverse tout cela en essayant de rester entière, s’oubliant parfois pour ne pas se rappeler, mais acceptant de tout raconter pour sauver sa sœur Marie. C’est fort, parfois dur, c’est émouvant, c’est un hymne à la vie, quoi qu’il arrive. Merci aux éditions Gaïa de nous faire connaître ce très beau texte.

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