Littérature étrangère

Esi Edugyan

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Chronique de Coline Hugel

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Ne cherchez pas dans vos dictionnaires de jazz, dans vos vieux numéros de Jazzmag ou sur Internet, Hieronymus Falk n’a jamais existé. Pourtant, ces quelques moments passés en sa compagnie le rendent, lui et son incroyable trompette, formidablement vivant.

Dans les années 1940, le jazz n’est pas une musique franchement à la mode chez les nazis. Dans une Allemagne en guerre, un groupe de musiciens noirs qui s’adonnent à ce rythme diabolique risque fort d’y laisser la peau. « Le jazz. Ici en Allemagne c’était devenu pire qu’un virus. On était tous comme des puces, nous les Nègres, les Juifs et les voyous de basse classe, décidés à produire ce tintamarre vulgaire pour entraîner de mignonnes petites blondes dans le vice et le sexe. C’était pas une musique, c’était pas une mode. C’était un fléau envoyé par les hordes noires maudites, fomenté par les Juifs. » Mais quand on est habité par cette passion, on ne vit plus que pour elle. Chip, Sid, Paul, Fritz, Ernst et Hiero le jeune prodige, plus connus sous le nom des Hot-Time Swingers, vont traverser le pays en guerre pour rejoindre Paris où ils sont attendus par l’un des plus grands jazzmen de tous les temps, Louis Armstrong. C’est Sid, le contrebassiste du groupe, qui nous raconte leur histoire. C’est Sid aussi qui a accompagné Hiero dans un bar pour trouver du lait à un moment où toute sortie frisait la folie pure. C’est donc lui qui le verra pour la dernière fois : « mais juste à ce moment les Boches ont ouvert en grand la porte du Coup et sa chaîne a chanté. Ils ont pris Hiero par le bras et l’ont fait sortir […]. Je suis resté là à regarder Hiero s’en aller. » C’est Sid encore que l’on retrouve cinquante ans plus tard, abîmé par les années, les remords, l’alcool. Chip vient le chercher pour aller à Berlin, au Festival Hieronymus Falk donné en mémoire du prodige disparu après sa libération du camp de Mauthausen. C’est Sid toujours qui va découvrir pendant ces quelques jours un sacré paquet de surprises, pas toutes franchement agréables…

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