Littérature française

Sophie van der Linden

Arctique solaire

illustration
photo libraire

Chronique de Michel Edo

Librairie Lucioles (Vienne)

Partie sur un coup de tête aux îles Lofoten avec son mari en 1901, la peintre Anna Boberg y reviendra inlassablement, souvent seule pendant trente-trois hivers, obsédée par la puissance picturale de l'hiver arctique.

Depuis quelques romans, Sophie Van der Linden tente de s'approcher au plus près de l'acte créateur en peinture, de la transe qui s'empare d'un artiste possédé par son sujet. Arctique solaire raconte une obsession pour un sujet unique, l'hiver polaire. Anna Boberg est une femme de la haute société suédoise, son époux est un architecte célèbre, elle est intime de Sarah Bernhardt, côtoie princes et capitaines d'industrie. Elle tient son rang, fait partie de la vie mondaine et artistique européenne. Quand elle ne s'adonne pas aux arts décoratifs, à la sculpture où à la céramique, elle peint, tout le temps. Cette passion, elle l'a prise enfant, dans les jardins de l'Alhambra, essayant de capter les volumes, les ombres, les perspectives sans jamais renoncer. À 17 ans, elle impose son indépendance d'esprit en s'enfuyant de la pension où ses parents l'avaient placée, pour se réfugier chez des amis de la famille à Paris. À leur contact, elle fraie avec les intellectuels et les artistes de son époque, affine ses goûts. Elle a la passion des voyages. Avec son époux elle se rend en Orient, en Inde, partout où l'on reçoit la bonne société. Son pas de côté, ce sont ces hivernages aux îles Lofoten dans une cabane de planches. Elle y vient seule pendant la nuit polaire. Elle vit parmi les Sami, les marins pêcheurs, supporte la puanteur des ports de pêche et tente de saisir tout cela de son pinceau. Elle s'acharne à rendre palpables, presque vivants, les reflets changeants de la lumière sur la neige, sur l'eau. Elle réalise d'hallucinantes représentations d'aurores boréales. Elle enchaîne esquisses et tableaux dans le froid mordant, le vent et la neige. Fidèle à son sujet, elle y reviendra presque jusqu'à la fin de sa vie, consciente qu'elle n'est réellement elle, pleine et entière que dans cette solitude créatrice.

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