Littérature étrangère

Erri De Luca

Le Tort du soldat

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photo libraire

Chronique de Michel Edo

Librairie Lucioles (Vienne)

Le tort du soldat commence par cette phrase : « Je me suis décidée à écrire cette histoire pour ceux qui pourront la comprendre mieux que moi. » La personne qui dit cela est une femme dont le père est un criminel nazi ; cette autre phrase : « Mon tort a été d’être battu », dit tout de cet homme.

Criminel en fuite, il a vécu toute sa vie d’après-guerre sous une fausse identité, tétanisé par la peur de se faire arrêter. Mais il ne se repent pas, ne renie pas ses idées, ne se cache même pas derrière l’argument des ordres reçus ; il est fier de son passé et en même temps obsédé par l’idée que le nazisme a fait fausse route. Avec les années, il se persuade que la chute du nazisme était écrite dans la Kabbale et entreprend de la décrypter. Sa fille a accepté ce père, elle ne l’a pas dénoncé, elle le prend comme son fardeau. Elle choisit cependant de se faire stériliser, comme le symbole le plus puissant de son reniement. Les trente-cinq pages qui précèdent cette phrase introductrice forment une sorte de long préambule à l’histoire. Le narrateur – Erri De Luca – se trouve dans les Dolomites pour faire de la varappe, lire et traduire des pages d’Israël Joshua Singer, le frère d’Isaac Bashevis Singer. Il parle de son entêtement à apprendre le yiddish, il évoque aussi le ghetto de Varsovie, sa résistance, armée et symbolique, la force de la littérature et de la poésie d’Europe centrale que le nazisme a tenté d’éradiquer. C’est dans une auberge de montagne que les deux récits vont se juxtaposer, puis le deuxième dériver vers la fiction, comme deux branches d’un même arbre qui prennent des directions divergentes.

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