Jeunesse

Sandrine Beau

Le Petit Chaperon qui n’était pas rouge

illustration

Chronique de Gaëlle Farre

Librairie Maupetit (Marseille)

Le Petit Chaperon rouge est sans doute l’un des contes le plus remanié, arrangé et détourné. Les auteurs comme les illustrateurs savent renouveler les angles d’approche et varier les points de vue. Ainsi, si les versions se multiplient, l’intérêt et l’originalité de ces relectures ne faiblissent pas.

Commençons avec un Petit Chaperon non pas rouge mais bleu ! Notre héroïne arbore cette couleur sous la forme d’une imposante chapka bien chaude, ainsi qu’un long manteau. Il faut bien tout cela pour supporter l’hiver russe. L’auteur a en effet situé l’action de son histoire dans les grands espaces enneigés de Russie. La mission de la petite fille est de porter un pot de miel à sa grand-mère. Sur son chemin, elle ne croise pas un loup mais un ours, un tigre et un lapin. Les deux premiers sont traditionnellement peu aimables, pourtant le Petit Chaperon saura s’en faire des amis qui l’aideront dans sa quête. C’est par le lapin que l’inattendu surviendra… Si la fin donnée par l’auteure ne convient pas au lecteur, il peut en changer. Sandrine Beau en a prévu plusieurs, dont voici la première : « Si tu n’aimes pas cette fin et si tu veux sauver le lapin, tourne la page ! » Il y a même après cela une page vierge où le lecteur peut inventer son propre dénouement. Quel bonheur que ce Petit Chaperon qui n’était pas rouge ! L’auteure sait être surprenante et on suit ses personnages avec curiosité. Les illustrations de Marie Desbons sont quant à elles délicieuses. Les décors sont exquis : maison en rondins de bois et forêts de sapins ; et les motifs ornant les objets (vaisselle, théières, balalaïka) ou le mobilier sont ravissants. Continuons avec un Vilain Chaperon rouge fort comique et non moins gourmand… Ici, le loup doit livrer une charlotte au chocolat à son amie le chaperon. La grand-mère, plutôt vorace, ne veut pas laisser les deux copains profiter de leur dessert ! Il faudra à ces deux-là de la ruse pour goûter le gâteau. Cependant la grand-mère ne se laisse pas faire et il faudra jusqu’à l’intervention du chasseur afin de la réduire au silence… Après cela, on pourrait imaginer une fin où chaperon, loup et chasseur dégustent la charlotte… mais pas du tout ! Chaperon et loup n’ont aucunement l’intention de partager. Voilà comment le chasseur se retrouve enfermé dans la cave pendant que les deux principaux protagonistes se régalent : « Et les deux amis n’en laissent pas une miette ! ». Ghislaine Biondi s’est bien amusée avec les personnages du conte dans ce texte de première lecture. Les illustrations de Laurent Richard sont au diapason du texte : dynamiques et pleines d’humour. Deux titres réjouissants pour l’esprit où les codes sont joyeusement bousculés. Le conte du Petit Chaperon rouge est manifestement loin de s’épuiser, et ce pour le plus grand plaisir des lecteurs.

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