Jeunesse

Moncef Dhouib

Le Lion et les trois buffles

illustration

Chronique de Gaëlle Farre

Librairie Maupetit (Marseille)

Le lion est une figure animale souvent présente dans les histoires et dans les contes. Il représente traditionnellement la force, le pouvoir et la sagesse… Il peut aussi être tourné en dérision et faire rire comme dans Tu te crois le lion? Il peut également servir un propos plus grave comme dans Le Lion et les trois buffles. Dans les trois albums qui suivent, les tons sont donc très divers et le lion est tour à tour ridiculisé, attendrissant ou fort cruel.

Dans Tu te crois le lion ?, la prétention du lion – qui s’est renommé Trop-Puissant – est sans limites. Il assène constamment des ordres : « Lavez-moi les pattes ! », « Je m’ennuie. Amusez-moi ! », ou « Grattez-moi les fesses ! » Mais la pigeonne, le mouton, le chien puis la mule, en ont assez de se faire mener par le bout du museau et d’être affublés de méchants surnoms : ils partent s’installer ailleurs. Le lion est persuadé qu’il manquera bien vite à tous, mais les semaines passent et ils ne reviennent pas. Le lion tente alors de s’imposer dans la paisible petite communauté qu’ils ont créée, mais ils ne se laissent pas faire ! Ce premier album d’Urial est dynamiquement illustré par Laetitia Le Saux. On rit beaucoup en lisant cette histoire qui n’est dénuée ni de sens, ni de sagesse. Le lion-tyran est habilement ridiculisé par ses sujets. Détrôné et seul, sa méchanceté ne fera plus de victimes. Limbo souffre pour sa part d’une chevelure bien peu majestueuse. La « serpillière mouillée » qui lui sert de crinière ne suscite que les moqueries, tant de la part des autres animaux du zoo que des visiteurs. Le soigneur décide alors de tout faire pour mettre son ami félin à la page. Il tente mille coiffures, permanentes, colorations… rien ne l’arrête. Contre toute attente, Limbo gagne peu à peu en popularité et ceux qui se moquaient auparavant de lui veulent désormais lui ressembler. La célébrité modifie considérablement la vie de Limbo : il devient coiffeur et va shampouiner et coiffer des humains en manque de coiffures originales. Limbo est si débordé que sa coiffure ne le préoccupe plus. Il retrouvera sa « serpillière », mais qu’importe, car il n’est plus celui dont on se moque, il est celui que l’on imite. Limbo le lion est un très bon album pour parler de la confiance en soi, des apparences et des phénomènes de modes. On change radicalement d’ambiance avec l’album de Moncef Dhouib et May Angeli. Les trois buffles, écrit l’auteur, « jouèrent dans les hautes herbes, se roulèrent dans la poussière et coururent après les mirages »… Les trois créatures vivaient en effet paisiblement… jusqu’à leur rencontre avec le lion. Ce dernier s’emploie à semer la zizanie parmi les trois buffles en les rendant méfiants et jaloux. Jusqu’alors solidaires et toujours unis, leur belle amitié est anéantie par la cruauté du lion et sa faim inextinguible. Moncef Dhouib s’est inspiré d’un récit traditionnel arabe pour écrire le texte. Son message est fort et engagé : la soumission est chose dangereuse. La force du propos est soutenue par les sublimes gravures sur bois en bichromie noir et jaune de May Angeli.

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