Jeunesse Dès 13 ans

Mary Orchard

Sous les étoiles de Bloomstone Manor

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Chronique de Gaëlle Farre

Librairie Maupetit (Marseille)

À l’instar de Madeline Roth et Nathalie Wyss, Mary Orchard fait maintenant partie des libraires qui sont également auteurs et je suis certaine que son entrée en littérature sera remarquée ! Sous les étoiles de Bloomstone Manor est en effet l’un des romans les plus prenants que j’ai lu ces derniers mois !

Pouvez-vous nous raconter l'histoire de votre livre ?

Tout a commencé en 2018. Je peinais à finir le texte sur lequel je travaillais à l’époque – qui n’est pas publié – et c’était émotionnellement très éprouvant. Je me rendais au travail et d’un coup, j’ai imaginé une jeune femme, Agathe, devant un manoir, de nuit, serrant un livre contre elle. Adrian et Stone sont arrivés très vite, tout comme les bases du roman : le concours de science, l’émancipation, les lettres… J’ai commencé à travailler dessus en 2020, en publiant les chapitres sur la plateforme Plume d’Argent. À l’automne 2021, j’ai décidé de corriger le texte pour le soumettre à des maisons d’édition. Je m’entendais très bien avec mon représentant Flammarion et je lui parlais de ce que j’écrivais. Je n’ai toujours pas compris comment il a fini par se prendre de passion pour cette histoire malgré mes explications décousues ! Toujours est-il qu’il m’a demandé le texte une fois terminé. Il l’a adoré et fait lire à Clémence, mon éditrice chez Casterman. Elle m’a appelée quelques jours avant Noël pour me faire une proposition. La machine était lancée.

 

Où et quand est née Agathe Langley ?

Je suis de la génération Harry Potter, j’ai grandi avec ces livres. Mais je crois que ceux qui ont le plus marqué mon adolescence sont Le Clan des Otori de Lian Hearn et Les Dames du lac de Marion Zimmer Bradley. Pour moi, Agathe est un avatar de ce que je projetais sur ces héroïnes qui choisissaient la voie de l’émancipation et misaient sur leurs talents et leur intelligence pour s’en sortir. À l’université, je me suis passionnée pour les classiques anglais et la poésie, notamment toute la littérature victorienne, à commencer par Oscar Wilde. Même encore maintenant, ces livres m’accompagnent et d’autres comme Le Seigneur des Anneaux, Six of Crows, La Mer sans étoiles et quelques séries de polar. L’atypisme d’Agathe réside peut-être dans ce mélange de genres.

 

Votre héroïne a des idées très avancées pour son époque, tant sur l’éducation que l’émancipation des femmes. Aviez-vous à cœur d'avoir une héroïne engagée et féministe ?

Le féminisme fait tellement partie de moi que je pense que je n’aurais pas pu faire autrement que d’écrire un personnage féministe ! D’une manière générale, je voulais que Bloomstone Manor soit un refuge pour toutes les personnes qui se sentent mises à l’écart, d’une manière ou d’une autre. Agathe a suffisamment fréquenté la société mondaine de son époque et supporté les clichés inhérents à sa condition pour se rendre compte qu’il y avait clairement un problème d’égalité. Son audace consiste à dénoncer cela tout en légitimant son statut de femme de science. Dans ce contexte, faire du féminisme une thématique principale s’est imposé à moi. Quant aux personnages secondaires, je vous laisse les découvrir !

 

Il y a une belle place pour la science en général et l'astrophysique en particulier dans votre roman. C’était important pour vous ?

Avant de m’orienter en fac d’anglais, j’ai fait un bac S et la plupart de mes amis sont issus du milieu scientifique. L’astrophysique est un sujet qui m’a toujours intéressée mais mon anglophilie a pris le dessus pour mon choix d’études. Il y a eu une assez longue période de recherches pour le roman, surtout en histoire des sciences. Il fallait que je trie en fonction de ce qui avait été découvert ou non à l’époque d’Agathe. Le plus dur a été de raisonner avec des notions dont on sait aujourd’hui qu’elles sont fausses. En outre, je devais trouver un sujet de recherche pour Agathe qui soit faisable pour elle (et donc pour moi) et qui serait compris assez facilement par tout le monde.

 

Quelle place a le livre dans votre vie ? Comment conciliez-vous votre métier de libraire et l'écriture ?

J’ai grandi dans une famille qui lisait énormément – chaque sortie d’Harry Potter équivalait à une potentielle Troisième Guerre mondiale – et ma mère a toujours partagé mes lectures et moi les siennes, d’où mon goût très précoce pour le polar ! L’écriture est venue plus tard même si elle a toujours été là, dans un coin de ma tête. Au travail, j’ai longtemps gardé pour moi le fait que j’écrivais. J’avais l’impression de franchir une barrière interdite, de passer de l’autre côté des tables des nouveautés où je n’avais pas ma place. C’était frustrant et paralysant. En 2019, j’ai changé de librairie et je me suis mise au défi d’assumer ma facette d’autrice – et ça s’est bien passé !

 

À propos du livre
1899, en Angleterre. Agathe Langley, 19 ans, n'a que faire des mondanités et de l'identité de son futur époux. Seul le concours de science organisé par la Royal Society l’intéresse. Passionnée d'astrophysique, elle n'hésite pas à s’opposer à son père pour y participer. Mais elle aura bien besoin de l'aide du mystérieux Lord Stone pour présenter son sujet d'étude. Une femme qui se manifeste dans le domaine scientifique et s'affranchit de ses parents, qui brave les qu'en-dira-t-on et prend la défense de son sponsor et ami homosexuel : Agathe est là où personne ne l'attend à son époque et on aimerait la connaître !

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