Essais

Collectif

Masculinité ?

✒ Jérémie Banel

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Comment penser, et vivre, la masculinité ? Il ne fallait pas moins d'une dizaine d'auteurs, rassemblés dans ce volume pour tenter, non pas d'y répondre, mais d'en parler avec autant de singularités que de nuances. Et c'est déjà beaucoup, tant le thème marque notre époque et les consciences.

Il est un paradoxe autour de la masculinité, que ne manquent pas de mettre en avant certains des auteurs de ce livre : le mot est neuf, mais désigne à la fois un sujet contemporain et une préoccupation pour ainsi dire vieille comme le monde. Que ne recoupent qu'imparfaitement d'autres termes, proches sémantiquement : on a pu au fil du temps parler de virilité, de se comporter comme un homme, d'être masculin. La masculinité donc, pour reprendre le titre, ou les masculinités. La nuance est là aussi de mise, chacun des contributeurs présentant avant tout sa vision, et c'est l'ensemble qui forme peu à peu un tableau plus large. Le tout sous la houlette de Charles Dantzig, directeur de la collection « Le courage » (un titre plein de sens dans le cas présent) qui abrite ce texte, et préfacier de l'ouvrage. Une réflexion à neuf têtes, pour décrypter au plus près les tensions qui traversent les hommes et la société.
Neuf auteurs donc, pour neuf textes aussi différents les uns que les autres, libres de s'approcher au plus près de la sensibilité de leur auteur, et de l'histoire qu'il souhaite donner à lire, le plus souvent avec une forte coloration autobiographie. S'y côtoient à la fois récits détaillés, évocations plus romanesques, oniriques ou littéraires, nouvelles ou encore une lettre de refus, synthétique et définitive, mais en plein dans le sujet : qu'est-ce qu'être un homme, et quel rôle joue la masculinité là-dedans ? Les questions théoriques, riches sur le sujet, même si elles transparaissent au fil des pages ne sont pas ici au cœur de la réflexion. C'est la sensibilité qui est reine, l'émotion, le souvenir, et la volonté de trouver la forme juste, la phrase précise pour saisir cet impensé. Donc la littérature, qui permet de transmettre une part de soi, d'aborder les expériences dans toute leur complexité. Et que l'on parle de la sociabilisation des marins, de la masculinité en Inde ou en Chine, des expériences traumatiques du viol ou encore de la découverte de l'homosexualité en même temps que la sienne propre, c'est toujours les injonctions, contraintes et autres faux semblants modernes qui transparaissent. Qiyue Liang clôt son texte, « Viril ou masculin ? », sur ces mots : « Nous voyons toujours ce que nous avons envie de voir. » Chacun sa vision donc, à chacun sa réponse, ses réponses ; y penser sur les traces de ces textes est un bon point de départ, pour voir et ressentir mieux, et plus loin.

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