Essais

Sanjay Subrahmanyam

L’Inde sous les yeux de l’Europe

illustration

Chronique de Jérémie Banel

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L’historien indien, fer de lance de la World History, met en scène la découverte de l’Inde et de sa culture par les Occidentaux, Portugais en tête, entre erreurs et malentendus.

Depuis Vasco de Gama (Alma et Points), on sait Sanjay Subrahmanyam incroyablement érudit et doté d’un talent hors pair pour décrire les contacts entre l’Europe et le sous-continent indien. Il ajoute avec cet ouvrage une nouvelle couche de connaissances à son œuvre, en relatant, au travers d’une suite de portraits, la production du savoir en Europe autour de l’Inde, du xvie au xixe siècle. Se méfiant des catégories d’analyses trop « évidentes », il creuse la production savante de l’époque pour comprendre comment, entre rejet et curiosité, s’opère peu à peu un subtil jeu de balancier entre la réalité locale sous toutes ses formes – culturelle, politique, géographique – et la façon dont elle est retranscrite ailleurs. Selon qui le regarde, l’étudie, l’autre n’est jamais le même. On voit ici une volonté de lui trouver des points communs avec ce que l’on connaît et là, à l’inverse, une opposition totale entre un « Eux » et un « Nous », au point que ces catégories, tout d’abord prétendument descriptives, en deviennent performatives. C’est la grande leçon de ce livre ou plutôt son illustration historique : hier comme aujourd’hui, nul n’est aussi neutre qu’il ne le pense dans son rapport à l’autre et dans sa capacité à l’appréhender. En être conscient et comprendre les mécanismes de ce qui se joue à ce moment-là est déjà un premier pas.

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