Bande dessinée

Corbeyran

La Désobéissance d'Andreas Kuppler

illustration
photo libraire

Chronique de François-Jean Goudeau

Etablissement Scolaire ESTHUA - Université d'Angers (Angers)

Histoire d’un combat ordinaire contre l’indicible nazi, La Désobéissance d’Andreas Kuppler, récit de Michel Goujon, paraît, de façon originale et simultanée, en roman et en bande dessinée... avant une adaptation cinématographique ? On le souhaiterait !

Andreas Kuppler, journaliste sportif, vient d’achever la couverture médiatique des Jeux olympiques d’hiver de Garmisch-Partenkirchen, premier succès pour le Parti national-socialiste des travailleurs allemands avant les J. O. d’été qui se tiendront cette fois à Berlin. En ce mois de février 1936, son couple comme sa carrière battent de l'aile. Son épouse Magdalena lui reproche leur stérilité, s’abîmant dans l’éther délétère de sa pharmacopée et de l’adoration fasciste, au moment même où le régime le soupçonne de sympathie avec l’ennemi, à savoir une affection coupable pour les cultures juives et nord-américaines, incarnées ici par une Mata Hari new-yorkaise, Susanna Rosenberg, qu'il a furtivement rencontrée à la fin de son séjour dans les Alpes bavaroises. Michel Goujon écrit et décrit simplement l’esquisse d’une résistance, en choisissant d’évoquer plutôt les atermoiements de son héros-malgré-lui que le dénouement, laissé en suspens. Surgissent également les contradictions de l’art et de la philosophie germaniques face à ce paradigme de la peur et de la haine absurde, rampante, inique, barbare, ainsi qu’une introspection sur la propagation du ressentiment, aussi bien dans un couple qu'au niveau collectif. C’est pourquoi les échos littéraires sont nombreux : Stefan Zweig et Art Spiegelman, évidemment, mais aussi Jason Lutes, Barbara Yelin, George Orwell ou encore la philosophe Cynthia Fleury et son remarquable essai Ci-gît l’amer (Gallimard). Après l’étreinte, l’étau. Puis le temps libérateur du discernement, du non-renoncement, car « résister à la peste brune était la seule attitude honorable. Ce n’était pas une question d’héroïsme ou de force d’âme. C’était au-delà du courage. Cela signifiait continuer à vivre ».

Les autres chroniques du libraire