Essais

Yoko Tawada

Journal des jours tremblants

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photo libraire

Chronique de Christine Lechapt

Librairie Maison du livre (Rodez)

Un an après les terribles événements survenus à Fukushima, trois auteurs nous livrent leur vision d’une catastrophe qui marquera à jamais le Japon. Trois nationalités, trois regards et trois styles différents qui se complètent pour dresser un tableau sans concessions des dangers du nucléaire.

Vendredi 11 mars en début d’après-midi à Tokyo, Michael Ferrier et sa compagne commencent à ressentir les premiers frissons du séisme, le temps pour eux de se jeter sous une table pour se protéger. Ces premières secousses seront suivies d’une longue série de répliques, dont la dernière sera ressentie le 8 juin. Pendant trois jours, les événements vont s’enchaîner à une vitesse folle : après le tremblement de terre de magnitude 9, un tsunami de 13 à 15 mètres de hauteur va se déverser sur une centrale nucléaire déclenchant ainsi la pire des catastrophes nucléaires. Le danger semble venir de partout et, dans un premier temps, Michael Ferrier et sa compagne décident d’aller se réfugier chez un ami à Kyoto. Puis un calme relatif semblant s’installer, ils sillonnent le pays au volant d’un bus rempli de produits de premières nécessités afin d’approvisionner les centres d’hébergement. Ce sera l’occasion pour eux de se rendre compte de la situation du pays en dehors des images véhiculées par les médias. Malgré la dureté du sujet, Michael Ferrier livre un texte d’une incroyable poésie où son amour pour le Japon éclate à chaque page. Un texte subtil et envoûtant !

De son côté, Yoko Tawada apprend la nouvelle alors qu’elle se trouve à Berlin. Après s’être enquise de la santé de sa famille au Japon, elle se trouve désarçonnée par les images que lui renvoient les médias : peu de traces des dangers de la radioactivité et des informations en boucle sur le manque d’électricité. Sans aucun doute, le texte de Yoko Tawada nous interroge sur ce que les images nous disent du Japon, mais surtout ce qu’elles ne nous disent pas. Grâce à son regard vigilant, on découvre les codes, souvent mystérieux pour nous autres Occidentaux, qui sous-tendent la société japonaise. La sourde colère qui transparaît dans ce texte nous fait surtout entrevoir ce que sera dorénavant l’écriture après Fukushima.

L’écrivain William T. Vollmann, habitué des reportages audacieux, décide de se rendre sur place après les événements, uniquement équipé d’un improbable dosimètre (seul appareil qu’il ait pu trouver), ainsi que de protections rudimentaires. Il parcourt le pays dans le but de récolter le témoignage de victimes de la catastrophe de Fukushima. Il les interroge tout particulièrement sur leur sentiment vis-à-vis de cette tragédie qui ne peut que leur en rappeler une autre, les bombardements de Hiroshima et Nagasaki. On sent se manifester la consternation de l’auteur devant l’incroyable fatalisme de la population. Pas de colère, pas de questionnement, les Japonais semblent se contenter des informations que les autorités daignent distiller. Ils suivent les instructions, ni plus ni moins. C’est un reportage particulièrement inquiétant que mène William T. Vollmann sur les dangers du nucléaire, mais surtout sur le manque d’informations qui entoure la question. Un reportage choc.

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