Jeunesse

Juliette Vallery

Les Pops

illustration

Chronique de Frédérique Franco

Librairie Le Goût des mots (Mortagne-au-Perche)

Les éditions Albin Michel Jeunesse lancent une nouvelle collection intitulée « Les Pops », une série d’albums aux coins arrondis et aux couleurs acidulées pour les tout-petits. Bienvenue dans l’univers des Pops : quatre personnages rigolos évoluant dans un monde imaginaire et poétique toujours joyeux.

Page — Pourquoi les « Pops » ? Quel était l’objectif de départ de la collection ?
Juliette Vallery — Il n’y avait pas d’objectif de départ à proprement parler, mais un petit texte d’album qui en a ensuite nourri trois autres. C’est a posteriori que les grandes lignes se sont dessinées, mais elles étaient claires, elles sous-tendaient toute l’écriture : offrir aux très jeunes enfants des textes drôles et tendres qui leur parlent, non pas uniquement d’eux-mêmes ou de leurs relations avec leurs parents, mais de la découverte des autres, de la vie avec les copains, de la façon dont chacun, avec sa personnalité, ses émotions, prend sa place dans le groupe pour dialoguer, se défier, s’épauler… Ce sont ces rapports entre les enfants qu’on rêve d’observer en douce quand ils jouent ensemble qui m’intéressaient. En littérature jeunesse, lorsqu’on s’adresse aux tout-petits, on leur présente souvent un personnage miroir qui évolue seul dans un cadre familial. Les documentaires abordent parfois la vie en communauté. Mais rares sont les textes de fiction, et plus encore les héros, qui permettent aux petits de se décentrer, d’aborder les enjeux du rapport à l’autre dans son identité et sa différence. Or, ces enjeux sont tout aussi fondamentaux à cet âge-là que les questions de doudous et de propreté, maintes et maintes fois traités. Je voulais non pas un héros mais quatre petits héros, pour que le « nous » compte autant que le « je »… et le construise.

Page — Quels messages souhaitiez-vous faire passer auprès des tout-petits ?
Juliette Vallery — Un message tout simple : celui de la force du collectif. Dans chacune des histoires de la collection, Zazèbre, Griboulion, Ronlapin et Sourili se confrontent et s’associent avec la diversité de leurs caractères et de leurs envies. Ils découvrent qu’ils ne sont pas seuls à dire « je veux », que leur désir n’est pas forcément le même que celui du copain ou que ce copain ne réagit pas forcément comme ils l’attendraient. Comment composer avec tout cela et rester unis pour retrouver le plaisir de jouer et de partager ? C’est toute la question que pose chaque récit. D’où la petite phrase : « Avec les Pops, on grandit grâce aux amis. »

Page — Comment avez-vous conçu les personnages : s’agit-il d’enfants déguisés ou de personnages typés à part entière ?
Juliette Vallery — Tout est parti de l’indispensable Max, de Max et les Maximonstres, un enfant en costume de loup. Il n’est pas déguisé en loup. De même que les Pops ne sont pas déguisés en zèbre, lapin, lion, souris. Ils sont, en un sens, ces animaux et se vivent comme tels. Le costume est là pour le dire. Il leur colle à la peau parce qu’il incarne quelque chose d’essentiel dans la façon dont se perçoivent souvent les tout-petits, dans leur façon d’exprimer les émotions qui les traversent : le côté sauvage du loup pour Max (le titre original du livre de Sendak dit d’ailleurs le mot « sauvage », « wild » : Where the wild things are), l’orgueil du lion pour Griboulion dans les Pops. Cette identité à part leur donne aussi des possibilités d’autonomie que ne pourraient pas avoir de vrais enfants déguisés : dans le monde des Pops, il n’y a pas d’adultes, ils sont un peu comme les enfants perdus de Peter Pan. C’est aussi pour cela qu’ils évoluent dans un univers imaginaire et poétique. Cela permet de focaliser sur leurs relations, sans interférence d’un médiateur. On est centrés uniquement sur les relations entre enfants.

Page — D’autres titres sont-ils prévus dans la collection, en plus des quatre déjà parus ?
Juliette Vallery — Oui, les premiers titres achevés, nous nous sommes immédiatement remis au travail pour proposer de nouvelles histoires qui sortiront en mai prochain. On retrouvera donc les Pops dans : Gare à la bagarre !, C’est mon préféré !, Tu m’écoutes ? et Il est beau, mon dessin ? Comme dans les titres précédents, chaque histoire met en avant un thème relationnel fort, porté par un des quatre personnages.

Page — Comment avez-vous travaillé avec l’illustrateur Tristan Mory ? Les personnages sont-ils nés de votre plume ou de son crayon, ou avez-vous travaillé ensemble ?
Juliette Vallery — Tristan et moi avions déjà travaillé ensemble sur la série Patabulle, éditée chez Actes Sud Junior. C’est une amitié de longue date ! Chaque fois que nous montons un projet, nous le construisons à deux, car nous avons une complicité très forte dans la création : son univers graphique dialogue toujours avec mon imaginaire, l’enrichit, et j’ai un plaisir unique à écrire pour lui. Les Pops sont nés de ma plume, mais il n’y avait au départ qu’un seul récit. C’est son dessin qui m’a permis de rebondir et d’imaginer d’autres histoires. Entre nous, c’est un ping-pong. Il inspire mes textes et j’échange avec lui sur ses images.

Page — Vous avez visiblement mis en scène des caractères ou réactions « types » de jeunes enfants (je boude, je ne prête pas...) De manière anecdotique, vous êtes-vous inspirée d’enfants de votre entourage ?
Juliette Vallery — Bien sûr, je ne cesse d’observer les enfants autour de moi, le mien, ceux de mes proches. C’est une source permanente d’étonnement et d’interrogation. Mais je ne dirais pas que je mets en scène des réactions « types », car chaque petit est différent et je ne voudrais surtout pas faire de mes personnages des caricatures d’enfants. Les thématiques mises en avant dans les titres sont des thématiques proches des très jeunes lecteurs, mais libres à eux de s’y reconnaître ou pas et, surtout, de s’identifier ou non aux réactions des personnages. C’est justement pour cela qu’ils sont quatre : pour proposer autant de réactions possibles à une situation, pour montrer qu’il existe autant de réponses que de personnalités. C’est une invitation à cultiver sa singularité.

Page — D’où vient le nom Pops ?
Juliette Vallery — De la recherche d’un nom joyeux pour notre bande des quatre, un nom qui soit facile à s’approprier par les petits, un nom qui pétille et qu’ils aient plaisir à prononcer, une friandise sonore mais aussi graphique : un mot court, facile à identifier, avec un O arc-en-ciel qui dit d’emblée toute leur gaieté. J’aimerais entendre des enfants qui connaîtraient nos histoires se lancer, à la crèche, au square ou à la récré : « Dis, on joue aux Pops ? »
 

 

 

Il y a Ronlapin le ronchon, avec sa tétine vissée à la bouche, Sourili la curieuse, Griboulion le fanfaron et Zazèbre la rêveuse. Tous ont des bouilles toutes rondes et des caractères bien à eux. Chacun est en costume, comme l’explique l’auteur Juliette Vallery : « Tout est parti de Max, de Max et les Maximonstres (L’École des loisirs) de Maurice Sendak, un enfant en costume de loup. Il n’est pas déguisé en loup, de même que les Pops ne sont pas déguisés en zèbre, lapin, lion, souris. En un sens, ils sont ces animaux et se vivent comme tels. Le costume est là pour le dire. Il leur colle à la peau parce qu’il incarne quelque chose d’essentiel dans la façon dont se perçoivent souvent les tout-petits, dans leur façon d’exprimer les émotions qui les traversent : le côté sauvage du loup pour Max, l’orgueil du lion pour Griboulion dans les Pops. » Les Pops sont nés d’un travail à quatre mains entre Juliette Vallery pour les textes et Tristan Mory pour les illustrations. Un duo qui a déjà porté ses fruits, notamment avec Patabulle (Actes Sud Junior). « L’univers graphique de Tristan dialogue toujours avec mon imaginaire, précise Juliette Vallery. Entre nous, c’est toujours un ping-pong. Il inspire mes textes et j’échange avec lui sur ses images. » Les textes sont drôles et tendres, ils parlent aux enfants de leurs émotions, de leurs relations avec les autres et de leur place dans le groupe. Dans Rien qu’à moi !, Sourili a trouvé un trésor, et pas question, bien sûr, de le montrer aux autres ! Jusqu’à ce que chacun déniche son propre trésor... Dans Pourquoi tu boudes ?, l’histoire démarre avec la bonne humeur de Ronlapin. Mais après une farce de ses copains, il se vexe et finit par bouder. C’est avec une attaque collective de guilis qu’il retrouvera le sourire. Dans C’est qui le plus grand ?, Griboulion se met en avant et appelle ses copains « les riquiquis ». C’est grâce à eux qu’il retrouvera avec plaisir sa place d’enfant, où le jeu est roi ! Les Pops s’interrogent, se réconcilient, apprennent les uns des autres, trouvent des solutions… « Dans le monde des Pops, il n’y a pas d’adultes, ils sont un peu comme les enfants perdus de Peter Pan. Cela permet de focaliser sur leurs relations, sans interférence d’un médiateur. On est centrés uniquement sur les relations entre enfants », explique Juliette Vallery. En bref, Les Pops, c’est un monde pétillant, de nouveaux personnages pour aider les enfants à grandir avec les autres, car « avec les Pops, on grandit grâce aux amis ! »

 

 

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