Littérature étrangère

Christy Lefteri

L'Apiculteur d'Alep

illustration

Chronique de Frédérique Franco

Librairie Le Goût des mots (Mortagne-au-Perche)

Alep sous les bombes, un couple qui fuit. C'est une histoire bouleversante de deuils et d'espoir. C'est l'histoire de beaucoup d'exilés d'aujourd'hui, magnifiée par une écriture puissante et poétique.

Nuri est apiculteur. Au lieu de reprendre la boutique familiale de tissus, il a fait le choix de cette activité par passion. C'est tout jeune, au contact de son cousin Mohamed, qu'il a découvert ce beau métier. Nuri aime le grand air, le contact avec les abeilles qu'il connaît bien, et il aime son pays, où il vit avec sa femme, Afra, et leur jeune fils, Sami. Seulement son pays, c'est la Syrie, en guerre. Une bombe de plus et toute leur vie est détruite. Nuri et Afra ne sont plus que deux et Afra a perdu la vue. Elle qui était artiste est désormais coupée de tout ce qui l'entoure. Anéantie, elle n'est plus qu'une présence et Nuri doit gérer tous leurs mouvements, surtout au moment du départ. Le cousin Mohamed a déjà atteint l'Angleterre, Nuri espère le rejoindre et pourquoi pas reprendre l'apiculture. Mais d'ici là, il y a tant d'épreuves à traverser. On va découvrir, la gorge serrée ou la peur au ventre, les camps de réfugiés où règnent la violence, la misère et le dénuement total. On découvre les méthodes ignobles des passeurs et les traversées dangereuses en mer. Dans cet enfer, il y a l'espoir de retrouver Mohamed et l'amour puissant qui unit Nuri et Afra. Ce roman magnifique et bouleversant est le reflet d'une effroyable réalité. Avec une narration subtile et originale (un enchaînement atypique et poétique des chapitres), l'auteure nous offre ce que la littérature peut faire de mieux : rendre compte de faits qui ne sont plus des informations froides et impersonnelles, mais des vies d'hommes et de femmes. Des vies brisées dont le récit nous touche en plein cœur. Christy Lefteri connaît son sujet, elle a été bénévole dans un camp de migrants à Athènes. En la lisant, on sait qu'on n'est pas dans la pure fiction et cela rend son propos encore plus fort et inoubliable.

Les autres chroniques du libraire