Jeunesse

Britta Teckentrup

Maxi cherche et trouve Dans la ville

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Chronique de Isabelle Réty

Librairie Gwalarn (Lannion)

Sarah Cohen-Scali aborde un sujet encore assez méconnu et jamais évoqué en littérature jeunesse : le programme « Lebensborn » mis en place par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. À travers l’histoire de Max, que l’on suit jusqu’à la fin de la guerre, c’est toute l’horreur du projet qui prend corps.


20 avril 1936, Max s’apprête à venir au monde. Il aurait dû naître deux jours plus tôt, mais pour lui, ce scénario n’était absolument pas envisageable car Max n’est pas un bébé tout à fait ordinaire. Il tient à tout prix à naître le jour de l’anniversaire d’Hitler et va voir le jour à Steinhöring, en Bavière, dans le premier foyer du programme « Lebensborn ». De plus, il a à cœur d’être non seulement un bébé parfait mais également le premier du foyer. Il a donc tout intérêt à réussir sa sortie ! Le Lebensborn est un programme terrifiant mis en place par Heinrich Himmler entre 1935 et 1945 dans l’Allemagne nazie. Le but : créer une « race supérieure » à travers une jeunesse parfaite, destinée à régénérer l’Allemagne puis l’Europe occupée. Une jeunesse appelée à être l’élite du tout-puissant Troisième Reich. Max est un pur produit de ces accouplements entre des femmes et des officiers SS sélectionnés suivant les critères de « pureté de la race aryenne » : grands, blonds aux yeux bleus. Les bébés sont abandonnés pour être adoptés par des familles modèles sélectionnées par les autorités. Max n’est donc pas encore né lorsque nous faisons sa connaissance mais toujours dans le ventre de sa mère, et déjà endoctriné à force d’entendre les discours du Führer à la radio et les conversations du personnel du foyer. Et là, toute l’horreur du programme prend une ampleur d’autant plus grande que c’est Max qui parle et raconte son parcours jusqu’à l’âge de 9 ans. Max grandit sans aucune forme d’amour, sans aucune affection, sans mère, imprégné de l’idéologie nazie qu’il assimile à une vitesse stupéfiante. Max voit tout, entend tout et surtout enregistre tout. Enfant modèle, enfant idéal, selon les critères nazis (il est très fier de son crâne parfaitement dolichocéphale), il raconte la sélection faite à la naissance parmi les nourrissons. Les trop faibles, les pas assez aryens sont déclarés mort-nés et euthanasiés. À 4 ans, Max devient la mascotte du foyer. Avec sa gueule d’ange, il est utilisé pour kidnapper des enfants polonais de type aryen. À 6 ans, il intègre Kalish, une « école » où les enfants polonais dignes d’être adoptés par de bonnes familles allemandes sont germanisés. Là aussi, Max servira de modèle aux autres enfants et fera la connaissance de Lukas, jeune juif polonais rebelle. Pour la première fois, Max éprouve de l’amitié et admire quelqu’un d’autre que le Führer. De cette amitié avec Lukas vont peu à peu naître des doutes. Toutes les convictions et les certitudes jusque-là sans faille de Max, sont sérieusement ébranlées. Lire Max peut être parfois éprouvant : les propos d’adultes tenus par cet enfant sont souvent crus et brutaux. On peut avoir de la répulsion, très vite cependant on s’attache à Max. Il faut avant tout voir en lui une victime des horreurs perpétrées par les nazis. Lire Max, c’est aussi plonger au cœur d’une fable historique glaçante. Une immersion dont on ne sort pas indemne.

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