Essais

François Reynaert

La Grande Histoire des Nouveaux Mondes

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Chronique de Jérémie Banel

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Loin des classiques livres d'Histoire nationale, fermés et assez peu originaux, quelques auteurs et éditeurs se lancent avec succès dans des formes nouvelles pour raconter l'Histoire, en multipliant angles et points de vue, et ainsi tenter de s'approcher au plus près de leur sujet dans sa complexité.

Trois approches nous sont ainsi proposées au fil de livres inspirés et novateurs : une biographie sous une forme réinventée et à l’iconographie riche par Christophe Granger (Joseph Kabris), l'histoire de la mondialisation par les objets de notre quotidien (Le Magasin du Monde dirigé par Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre) et enfin La Grande Histoire des Nouveaux Mondes, une histoire en miroir des Amériques mais aussi de l'Océanie, sous la plume de François Reynaert. Des invitations au voyage dans le temps et l'espace, qui empruntent souvent des chemins de traverse.

Ainsi en fut-il de Joseph Kabris et sa vie extraordinaire, de sa naissance à Bordeaux en 1780 à sa mort en tant que phénomène de foire déchu en 1822, via (entre autres) les Marquises où il fut marié à la fille d'un chef tribal, puis le Japon et la Russie. Une vie qui se déplie et se découvre dans ses multiples aspects. Christophe Granger explore au plus près de l’intime et des sensibilités la façon dont s’est construite et perpétuellement reconfigurée l’identité de cet homme, toujours entre cultures diverses et regards extérieurs qui le définissent encore plus qu’il ne se définit lui-même.

L’écho de cette vie polynésienne se retrouve dans La Grande Histoire des Nouveaux Mondes. On connaît le talent de François Reynaert pour les synthèses historiques d’ampleur où l’érudition s’accompagne avec profit d’un grand sens de la narration et du récit. Il mêle ici deux grands ensembles géographiques rarement associés, à travers leur statut (qu’il interroge et questionne) de « nouveau » monde. Une idée originale qui apporte un regard nouveau et différent, tout en montrant la diversité et les richesses de ces régions, avant et après leur soi-disant découverte.

Une connexion des mondes de mieux en mieux documentée et qui se découvre sous un jour nouveau dans Le Magasin du Monde, un livre collectif où chaque chapitre est consacré à un objet dont l’histoire raconte, à sa façon, la mondialisation. Des planches de surf polynésiennes (décidément !) au furieusement contemporain masque, ces micro-histoires racontent tout à la fois la prodigieuse ingéniosité humaine, la grande histoire du commerce et des voyages mais surtout l’infinie circulation des idées et des modes de vie, sur une planète ouverte ou aucun homme n’est une île.

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