Littérature française

Nathalie Piégay

Une femme invisible

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Chronique de Manuel Hirbec

Librairie La Buissonnière (Yvetot)

Dans un roman-enquête passionnant, Nathalie Piégay offre l’émouvant et sensible portrait d’une femme que son entourage voulut rendre invisible et fait ainsi entrer dans la lumière Marguerite Toucas-Massillon, mère de Louis Aragon.

Une femme invisible est un roman-enquête très bien documenté, au sujet maîtrisé par son auteure qui nous fait découvrir la stupéfiante histoire de Marguerite Toucas-Massillon. À la fin du xixe siècle, alors qu’elle est encore mineure, elle va donner naissance à un petit garçon, Louis, fruit d’une relation adultère avec un homme beaucoup plus âgé qu’elle, déjà marié, père et par ailleurs député. Subissant une forte pression familiale et sociale, la jeune Marguerite est contrainte de s’effacer, obligée de ne pas reconnaître son enfant, niée dans son rôle de mère : on la fera passer pour la sœur du petit Louis à qui l’on attribuera le nom fictif d’Aragon et qui deviendra l’un des auteurs majeurs du xxe siècle français. C’est donc l’histoire de cette femme que tout son entourage a souhaité rendre invisible et le récit de la relation avec son fils que Nathalie Piégay raconte dans un texte au sujet passionnant dont l’écriture fluide rend la narration agréable et plaisante. Le lecteur est touché par cette histoire stupéfiante comme par ce portrait sensible de femme, d’amante et de mère singulière qu’aucune fiction n’aurait pu imaginer. Nathalie Piégay dresse avec empathie cette étonnante relation qui se noue entre cette mère et son fils, à toutes les étapes de sa vie, depuis son enfance et son adolescence jusqu’à sa vie d’adulte marquée par sa notoriété littéraire. Elle restitue avec justesse l’histoire touchante et émouvante de cette femme qui a enduré en faisant preuve d’une grande force de caractère, niée par tous mais donnant à chacun une incroyable leçon de vie. Ce faisant, elle projette une belle lumière sur cette femme que tout le monde, y compris bon nombre de biographes de Louis Aragon, a voulu rendre invisible et offre ainsi de nouvelles perspectives de lecture des œuvres de l’écrivain.