Littérature française

François Bégaudeau

Molécules

Chronique de Manuel Hirbec

Librairie La Buissonnière (Yvetot)

S’emparant d’un fait divers sordide qu’il transcende en œuvre littéraire, François Bégaudeau scrute la folie humaine au plus près du quotidien et signe un grand retour.

Infirmière dans un centre pour psychotiques, Jeanne Deligny est sauvagement assassinée sur son palier, égorgée au cutter sans mobile apparent. Une enquête commence. Elle piétine. On recherche le coupable. François Bégaudeau nous offrirait-il un roman policier ? Non, bien au contraire. Et c’est justement en s’éloignant de la seule logique du suspense qu’il surprend, étonne, détonne. Car le coupable vite découvert, la tension romanesque demeure. Molécules sonde ainsi la mécanique du crime, celle de la vengeance aussi. Il interroge au plus proche l’individu et le chaos de notre humanité. Il questionne l’ordinaire folie humaine avec une pointe d’humour, une ironie douce soulevée par l’absurdité du quotidien, faisant de la scène de reconstitution du crime un morceau d’anthologie. Habilement construit, le roman se penche avec justesse sur chacun des personnages, les brossant dans toute leur complexité, offrant ainsi une lecture ouverte, aux multiples strates et riche d’interprétations. Car, dans cette alchimie romanesque aboutie et réussie dont seul François Bégaudeau a le secret, le plus fou des deux n’est pas toujours celui auquel on pense.