Beaux livres

Cimetières et Tombeaux

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Chronique de Manuel Hirbec

Librairie La Buissonnière (Yvetot)

Créés au début du XIXe siècle, les grands cimetières urbains que nous connaissons aujourd’hui constituent un patrimoine funéraire foisonnant et fragile. Le remarquable Cimetières et tombeaux, dirigé par Régis Bertrand et Guénola Groud, offre une approche historique et monumentale d’une inestimable richesse de ces lieux si communs et tant méconnus.

Cités des morts, les cimetières ont un acte de naissance : le 23 prairial an XII (12 juin 1804), un décret impérial redéfinit l’organisation des sépultures et des enterrements. La voie est alors ouverte à la création de grands cimetières urbains, au premier rang desquels le plus célèbre de tous, le cimetière du Père-Lachaise à Paris. Tout au long du XIXe siècle, ces cimetières connaîtront dans toutes les grandes villes de France un formidable essor et un engouement des populations, notamment les plus aisées, pour la création de tombeaux par des architectes, des artistes et des sculpteurs. Cimetières et tombeaux, qui réunit avec une grande cohérence plus d’une trentaine de contributeurs, dresse à travers le territoire un état des lieux précis, diversifié et significatif de ce patrimoine funéraire. Intelligemment structuré, l’ouvrage propose une approche rythmée en trois grandes parties. S’ouvrant sur la naissance du cimetière français par le décret impérial de 1804, il analyse les raisons historiques de ce choix politique et social. Cheminant à travers le temps, il propose de suivre, jusqu’à nos jours, les évolutions des cimetières, reflet des mutations sociales, esthétiques, politiques ou religieuses qui s’opèrent au sein de la société française avec, par exemple, la laïcisation ou le récent développement de la crémation. Par ce retour historique, il engage une réflexion éminemment contemporaine, ouvrant des pistes de réflexion pour l’avenir. Si le cimetière du Père-Lachaise a servi de modèle à ces nouveaux cimetières, la deuxième partie de l’ouvrage montre la richesse, la diversité et la singularité de beaucoup d’entre eux – à Amiens, Strasbourg, Rouen, Toulouse, en Corse, ou aux Antilles, par exemple –, reflets de leur propre histoire, de leur territoire, de leur emplacement dans le paysage. Lieu qui allie le végétal au minéral, la physionomie des cimetières dépend des essences et des ressources disponibles. Parmi cette riche diversité de présentation de plus d’une douzaine de cimetières, on citera le plus fragile d’entre tous, celui des îles du Salut en Guyane française, attaché au bagne. La dernière partie de l’ouvrage est consacrée à deux siècles d’art funéraire, de la fabrication des tombeaux, dont la diversité semble infinie même si chaque époque définit ses critères esthétiques, aux multiples sculptures funéraires, dont certaines sont aujourd’hui classées au titre des monuments historiques, sans oublier les enclos, les stèles, les jardinets, les épitaphes. Illustré de nombreuses photographies soigneusement choisies pour souligner le propos des auteurs, Cimetières et tombeaux suscite, par la diversité de ses contributions, intérêt, étonnement, réflexions et découvertes, comme le rôle politique que jouèrent certains tombeaux, telles les tombes des libres penseurs, les cimetières familiaux protestants ou les boîtes à crâne de Bretagne. Il autopsie ainsi minutieusement, sous toutes ses facettes, le patrimoine d’un lieu méconnu à découvrir et à protéger.