Essais

Baptiste Brossard

Oublier des choses

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Chronique de Christelle Chandanson

Librairie Elkar (Bayonne)

Oubliez tout ce que vous savez d’Alzheimer, lisez cet essai décoiffant de Baptiste Brossard qui aborde d’une manière nouvelle la maladie. Le chercheur parle, dans Oublier des choses, de la démence comme une expérience sociale.

En France, il y aurait plus de 800 000 malades d’Alzheimer, pour lesquels une seule approche du traitement prévaut : la perspective médicale. Parti avec l’idée de montrer les changements qu’entraîne Alzheimer dans la place et le rôle que la société attribue au malade, l’auteur s’appuie sur cinq années d’enquêtes pour nous convier à une réflexion plus sociologique de la maladie. Cette longue expérience de terrain laisse entrevoir un système d’interactions entre les individus complètement inédit. De la mise en place d’échanges réparateurs (où les proches compensent les défaillances) à la perte de crédibilité, il met le doigt sur les conséquences de la démence dans les relations humaines. Loin de centrer toute son analyse sur le patient, le sociologue pose son œil sur les soignants et montre aussi quelles évolutions ont subi les structures d’accueil et quelles solutions sont mises en place par les accompagnants, professionnels ou non, pour conserver un sens dans leur tâche et leur travail, tout en respectant l’humain, aussi dément soit-il. Sans en dire le nom, cet essai dénonce les pouvoirs concentrés entre les mains des gériatres et des laboratoires pharmaceutiques qui éloignent, par leurs prescriptions médicales et la normalisation des échanges et des soins (« l’industrie de la déférence »), la prise en charge humaine plus spontanée et complique le travail des soignants. Cette standardisation des émotions et des comportements envers les malades conduisant irrémédiablement vers l’effet inverse de ce qui était attendu, le patient reste un inconnu dans sa chambre. Sur un ton parfois humoristique et souvent émouvant, cette perspective sociologique donnera une vision inédite de la maladie d’Alzheimer mais cependant complémentaire à l’aspect médical et psychologique.

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