Littérature française

Laurent Seksik

Romain Gary s’en va-t’en guerre

illustration
photo libraire

Chronique de Véronique Marchand

Librairie Le Failler (Rennes)

« On associe le génie de Gary à sa mère. L’énigme Gary c’est son père ». Un roman-enquête bouleversant qui nous emmène dans le ghetto de Wilno en janvier 1925. En seulement vingt-quatre heures vont être jetés les dés du destin.

Le 2 décembre 1980 se suicidait à Paris un des grands écrivains du XXe siècle, emportant avec lui ses secrets. C’est avec le brio qu’on lui avait déjà connu dans ses précédents romans biographiques sur Stefan Zweig et Eduard Einstein, que Laurent Seksik éclaire la genèse du destin extraordinaire de Romain Gary, né Roman Kacew en 1914 à Vilna. Romain Gary laissait volontiers entendre que son père était un très grand acteur russe. La réalité est plus prosaïque. Arieh Kacew était bien russe, mais fourreur dans le ghetto. Il avait épousé Nina en 1912 et l’avait quittée en 1924 pour fonder un autre foyer. La vie auprès de Nina n’était qu’effusions, exaltation, soubresauts, tourbillons et paradoxes. Elle fut une femme tout à la fois exaltante et épuisante. La mère et le fils s’adorent et entretiennent une relation fusionnelle qui durera toute leur vie. Elle lui rêve et lui prédit un grand destin « Tu seras ambassadeur de France, c’est ta mère qui te le dit. Tout de même il y a une chose qui m’intrigue un peu. Pourquoi ne m’avait-elle pas fait président de la république, pendant qu’elle y était ? », écrira-t-il dans La promesse de l’aube (Folio). Mais son père, qu’il aime secrètement pour ne pas blesser Nina, lui manque cruellement. Serait-il parti à cause de lui ? Sa décision est pourtant prise. Il sera fourreur lui aussi, afin de gagner sa fierté. Tant pis pour les rêves de Nina. Ainsi, il rentrera à la maison et tout redeviendra comme avant. Mais Arieh, le lion, le descendant d’Aaron, son héros, l’a trompé, trahi et tant meurtri, qu’il voudra en mourir. Roman Kacew deviendra Romain Gary, talentueux dandy aux multiples facettes, qui ne cesse de fasciner les biographes. Il ne parlera plus de son père resté dans le ghetto de Wilno et mort en déportation en 1943.

Les autres chroniques du libraire