Au cœur du cirque funèbre

Plamensen, détective privé fauché, est engagé par le riche et obsessionnel Armand de Breuil pour une mission singulière : retrouver des pictogrammes ésotériques semés dans les terminus du métro parisien avant sa mort par un tueur aussi insaisissable que monstrueux, Jonathan Mörgn dit « le Grippeminaud ». De Breuil est convaincu que la réunion de tous ces symboles formera un message ultime, une sorte de testament légué par le tueur à l'humanité pour expliquer son dessein. Porté par le verbe gouailleur et la conscience ébréchée de ce héros cabossé, le roman actualise avec brio la figure archétypale du privé. Plamensen est un raté magnifique, un philosophe des bas-fonds dont l'alcoolisme et la précarité ne sont pas des faiblesses mais les clefs qui lui ouvrent les portes d'un monde souterrain, invisible aux yeux des nantis. Loin du simple antihéros, il devient un sismographe des failles de notre époque ; sa lucidité est celle, abrasive, des hommes qui ont tout perdu, et son cynisme, une armure fragile contre la folie du monde. Le métro parisien y est dépeint comme un purgatoire moderne, abritant les âmes errantes de la marginalité. Le style de Jangot, vif, argotique et d'une précision chirurgicale, crée une atmosphère étouffante. Son écriture acide et corrosive décape le vernis social des personnages, révélant leur part d'ombre. L'auteur manie avec une virtuosité saisissante une mécanique narrative implacable, mêlant la tension du thriller à une noirceur abyssale. En explorant les thèmes de l'obsession, de la création déviante et du message caché derrière la monstruosité, Au cœur du cirque funèbre transcende les codes du genre. C'est un polar d'une grande maîtrise, un page turner aussi haletant qu'intelligent. Une réussite totale qui s'impose comme un polar incontournable de cette rentrée.