Littérature française

Véronique Ovaldé

Fille en colère sur un banc de pierre

illustration

Chronique de Maria Ferragu

Librairie Le Passeur de l'Isle (L'Isle-sur-la-Sorgue)

Véronique Ovaldé nous embarque sur une île Italienne qui porte en elle le poids des vies sacrifiées, dans une ambiance chaude et écrasante. Ce nouveau roman envoûtant explore avec beaucoup de justesse la complexité des liens au sein d’une famille gangrenée par les drames et les secrets.

Elles étaient quatre sœurs et avaient reçu les noms de grandes héroïnes d’opéras : Violetta, Gilda, Aïda et Mimi. Quatre sœurs pas vraiment malheureuses car protégées par l’insouciance de l’enfance, mais pas vraiment heureuses non plus, car victimes des exigences d’un père autoritaire et colérique et des silences d’une mère soumise. Elles ont grandi sur l’île d’Iazza, au large de Palerme, un lieu qui a abrité leurs jeux, leurs après-midis à la plage et leurs rêves d’ailleurs. Et puis un jour, alors qu’Aïda, 8 ans, désobéit à son père et part en pleine nuit voir les fêtes du carnaval, sa petite-sœur Mimi insiste pour l’accompagner. Elle n’est pas assez grande pour lui résister et cède devant son insistance. Mais Mimi ne reviendra jamais de cette soirée, disparue, comme volatilisée. Celle que tout le monde va juger responsable, c’est Aïda, celle par qui l’impensable est arrivé. Dès lors, les relations familiales qui étaient déjà tendues vont se déliter et finalement, Aïda sera contrainte à l’exil. À 16 ans, sa mère l’aide à quitter l’île pour fuir Salvatore, ce père qui ne peut plus ni la regarder, ni la supporter. Elle construira donc sa vie seule, loin des siens. Pourtant, à la mort de celui-ci, quinze ans plus tard, sa sœur, à qui elle n’a plus reparlé, la prévient et elle décide de revenir sur les traces de son enfance pour assister aux funérailles du père et d’enfin faire le deuil de sa toute petite sœur et trouver des réponses à ses questions. Car en grandissant et même si la culpabilité la taraude encore, elle comprend enfin que l’attitude de sa famille n’a pas été à la hauteur. L’arrivée sur l’île sonne comme un retour aux sources, un nouveau départ. Le corps n’a pas oublié les odeurs, les sensations, le premier amour et le vertige des émotions, mais la tête lutte parfois sans savoir de quel côté basculer : faut-il à tout prix déterrer la vérité ? Véronique Ovaldé explore avec beaucoup de délicatesse les rivalités et la complexité des liens familiaux, cet amour supposé évident mais qui parfois n’unit pas tout à fait bien les fratries. À travers un procédé narratif légèrement déroutant mais très efficace, elle s’adresse parfois directement au lecteur, le prenant à témoin des péripéties de l’action. Elle déroule le fil d’une histoire qui se dévoile, dans une alternance entre passé et présent, pour un final inattendu et grinçant dont elle a le secret ! Un roman puissant, incarné où la réconciliation et le pardon côtoient la colère et le désir de vengeance d’une femme que la vie a abîmé.

Les autres chroniques du libraire