Littérature étrangère

Albert Espinosa

Tout ce que nous aurions pu être toi et moi si nous n'étions pas toi et moi

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photo libraire

Chronique de Aurélie Paschal

Pigiste ()

Le lecteur qui penserait lire un roman d’amour sera étonné. Il ne s’agit en rien d’un livre mièvre ou à l’eau de rose. Il serait plus proche d’un roman de science-fiction si l’on cherche à lui attribuer un genre littéraire. Il s’agit en réalité d’une uchronie qui nous emporte et ne nous lâche plus.

Madrid de nos jours. Depuis des années, Marcos a des troubles du sommeil : il tarde à s’endormir, voire ne dort pas du tout, ou bien il passe ses nuits à faire des cauchemars. Cela s’accentue à la mort de sa mère. La seule idée de dormir l’angoisse alors. Depuis quelque temps, un nouveau produit chimique est apparu sur le marché espagnol : une seule injection et l’on n’a plus jamais besoin de dormir, notre corps ne ressent plus aucune fatigue. On peut vivre à 100 %, on ne perd plus de temps à dormir. Il existe ainsi un clivage dans la population et que l’on constate principalement la nuit : ceux qui perdent du temps à dormir et ceux qui vivent pendant ce temps-là. Madrid développe une vie nocturne importante et la ville ne dort jamais. De sa fenêtre, Marcos voit la place qui se situe en bas de son immeuble vivre à cent à l’heure et envie ces personnes qui ne dorment plus alors qu’il peine à trouver le sommeil. Il achète une dose de ce nouveau produit. Mais au moment de se l’injecter, il est sans cesse dérangé. Y parviendra-t-il finalement ? Et soudain, dans la nuit, l’annonce tombe : un extraterrestre est arrivé sur terre. Marcos est appelé pour pouvoir communiquer avec lui car il est le seul à posséder ce don et est fier de pouvoir l’utiliser. à travers lui, les médias ainsi que les autorités vont pouvoir comprendre sa présence sur terre. Une arrivée hostile ou en toute amitié ? Une folle nuit pour Marcos : l’image de cette femme magnifique qu’il a entraperçue de son balcon s’engouffrant dans le théâtre voisin, l’arrivée de cet extraterrestre, sa première nuit en qualité d’orphelin et cette injection qu’il rêve de se faire… Une nuit qu’il n’est pas près d’oublier… Dans ce roman, comme dans la vie de Marcos, humour et mélancolie se mêlent. Marcos a une vision assez satirique de lui mais aussi de tout ce qui l’entoure. En même temps, la perte de sa mère le trouble et le rend mélancolique. Elle ne quitte plus son esprit et il revit chaque instant passé avec elle. C’était une chorégraphe très à l’aise avec son corps qui parlait librement de tout avec son fils : désir, amour, expériences sexuelles… Et sa voix lui murmure toujours des conseils avisés. Albert Espinosa a un véritable sens du suspense et de la narration. Lorsqu’on commence ce roman, on ne peut s’arrêter.

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