Littérature française

Dominique Fortier

La Porte du ciel

illustration
photo libraire

Chronique de Betty Trouillet

()

Après Du bon usage des étoiles (Libretto) et Les larmes de saint Laurent (Alto) Dominique Fortier, auteure québécoise et conteuse incontestable, revient avec ce magnifique roman sur une période des plus sombres de l’histoire des États-Unis.

À l’aube de la guerre de Sécession, au cœur de la Louisiane et de ses champs de coton, grandissent deux fillettes liées par le destin. Au cours d’une visite à un malade dans une plantation, le docteur McCoy achète une jeune esclave métisse du même âge que sa fille, Eleanor. Elle portera le prénom Eve, aura de meilleures conditions de vie et recevra une bonne éducation dans sa nouvelle demeure. Les deux fillettes que tout oppose ne se quittent plus, elles vont jouer et grandir ensemble, leur amitié va devenir leur force. En cette fin de xixe siècle, l’esclavage régit alors presque tous les États du Sud. Au loin le son du canon se fait entendre et le pays s’enflamme. Eve n’est plus une esclave, mais elle n’est pas l’égale des Blancs et sa couleur de peau l’empêche d’être libre. Elle ne sait pas où est sa place. Puis à l’enfance succède l’âge adulte, l’innocence se délite et l’amitié n’est plus tout à fait pareil. Eleanor, obligée de suivre sa belle-famille, se laisse petit à petit engoncer dans un mariage pesant. Eve la suit dans cette nouvelle famille, mais la tragédie de cette guerre fratricide fait tout basculer. À l’image de la guerre qui divise, les destins s’éloignent. Chaque chapitre est entrecoupé de courts volets sur l’art de la courtepointe. Ces femmes qui attendent leurs maris, leurs frères ou leurs enfants, tissent dans de vieux vêtements des bannières étoilées pour les soldats, des linceuls brodés et de beaux couvre-lits aux multiples couleurs. Dominique Fortier construit son roman comme un patchwork inspiré par ses femmes qui assemblent des bouts de tissus, comme se construit l’Histoire de ces États. Avec sa plume fine et poétique, elle compose un roman riche, profond et puissant sur l’esclavage et le racisme.

Les autres chroniques du libraire