Littérature étrangère

Tatiana de Rosnay

Sentinelle de la pluie

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Chronique de Jean-Marie David-Lebret

Librairie Lo Païs (Draguignan)

Linden, célèbre photographe domicilié à San Francisco, débarque à Paris pour fêter en famille, avec sa sœur Tilia qui arrive de Londres, les 70 ans de Paul, leur père, éminent arboriste. À Paris, la pluie tombe depuis plusieurs jours et le niveau de la Seine monte. Au cours du dîner, le père fait un AVC et la mère se retrouve alitée à cause d’une pneumonie. Le week-end de retrouvailles tourne au cauchemar. Chacun porte un fardeau, un secret ou une blessure et ils sont incapables de mettre des mots sur ces maux-là. Lors de ce moment dramatique où le père est emmené à l’hôpital, Linden comprend qu’il a une fenêtre de tir très réduite pour enfin parler à son père. Il a fait son coming-out à sa mère il y a une dizaine d’années et cela ne s’est pas très bien passé. Il n’a jamais dit à son père son secret et ignore ce que ce dernier sait. Mais les autres membres de la famille ont également des choses à se dire. Le père, la sentinelle au centre du livre, est un amoureux de la nature. Linden ne sait rien de lui. Il porte lui aussi un lourd secret. Tatiana de Rosnay avait déjà abordé le thème de l’homosexualité dans Boomerang. Là, elle va plus loin en s’interrogeant sur l’homophobie et l’incommunicabilité. C’est un livre où l’auteure a puisé dans un émotionnel familial très personnel, très intime. C’est aussi un roman grand spectacle, presque catastrophe, avec des scènes de quartiers entiers inondés, des populations évacuées, du pillage… Le déluge dans Paris fait écho à celui des sentiments qui assaillent cette famille acculée par le poids des non-dits. Ce n’est pas le Paris sinistré qui intéressait l’auteure, mais la puissance destructrice de la nature. Chose surprenante : les conditions climatiques se sont conformées au roman de Tatiana de Rosnay.

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