Littérature française

René Barjavel

Romans extraordinaires

✒ Jean-Marie David-Lebret

(Librairie Goulard, Aix-en-Provence)

Pionnier de la science-fiction française, René Barjavel revient au premier plan avec une intégrale magistrale. Un hommage vibrant à un visionnaire lucide, poète du progrès et prophète de ses dérives.

Quarante ans après sa disparition, Barjavel retrouve toute sa lumière grâce à la réédition de ses Romans extraordinaires chez Omnibus. Ce volume imposant réunit ses huit grandes œuvres de science-fiction, de Ravage à La Tempête, dans une édition préfacée par Maxime Chattam, admirateur fervent. L’auteur de Lux y salue « un conteur exceptionnel dont la voix bouleverse sans violence », alliant émotion, imagination et lucidité. Dès Ravage (1943), Barjavel révèle son intuition foudroyante : la fragilité des civilisations et la dépendance de l’homme à sa propre technologie. Le Voyageur imprudent explore les paradoxes du temps, Le Grand Secret les limites de la science et le mythe de l’immortalité. Dans La Nuit des temps, chef-d’œuvre absolu, l’amour et la paix défient la barbarie, tandis que Le Diable l’emporte prophétise la guerre totale et la survie sous terre. Si ses récits anticipent nos angoisses écologiques et technologiques, c’est avant tout l’homme que Barjavel interroge : son orgueil, sa soif de puissance, sa capacité à renaître après le chaos. Visionnaire, certes, mais surtout humaniste, il croyait à un retour possible vers la simplicité, la nature, l’essentiel. Souvent catalogué comme moraliste ou nostalgique, Barjavel apparaît ici dans toute sa complexité : poète du progrès dévoyé, humaniste inquiet, écologiste intuitif. Son œuvre reste une mise en garde autant qu’un chant d’espoir. De Bernard Werber à Pierre Bordage, de Michel Bussi à Abel Quentin, plusieurs générations d’écrivains se réclament de son héritage. Car Barjavel n’a pas seulement inventé la science-fiction française : il l’a ancrée dans la chair et la poésie du monde. Cette intégrale rappelle combien sa voix demeure d’actualité, à l’heure du vertige technologique et du désenchantement moderne.

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