Jeunesse

Trois visages du chat, trois leçons de vie

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✒ Jean-Marie David-Lebret

(Librairie Goulard Aix-en-Provence)

De la tendresse d’un papa débordé à l’odyssée d’un chat naufragé, jusqu’aux aventures d’un félin globe-trotteur, trois albums jeunesse rendent hommage à cet animal fascinant. Tour à tour drôle, rêveur ou courageux, le chat s’y révèle miroir de nos émotions et guide vers la liberté.

Dans la clairière d’une forêt paisible, Papa chat ouvre un œil affolé : ses cent chatons ont disparu pendant la nuit ! Il faut vite les retrouver avant le réveil de Maman chat. Commence alors une chasse tendre et cocasse où le lecteur accompagne ce père courage dans une course contre la montre pleine d’amour et de désordre. Boulette, Fripouille, Milouche et toute la tribu ont filé derrière une souris espiègle, semant la panique et mille bêtises sur leur passage, transformant la forêt puis la ville en terrain d’aventures. Bien malgré eux, ils découvrent le monde : ils grimpent sur les toits, croisent un chien qui fait du skateboard, deviennent la proie d’un renard… Chaque page foisonne de détails et invite à un joyeux jeu de cache-cache. Le lecteur cherche les petits fugueurs tout en s’amusant des expressions de Papa chat, oscillant entre panique et tendresse. Avec légèreté et poésie, l’album célèbre l’amour paternel. Papa chat, débordé mais courageux, incarne le parent bienveillant, épuisé mais aimant. À travers son périple, les jeunes lecteurs appréhendent la notion de responsabilité et mesurent l’importance de l’amour familial dans le tumulte quotidien. Peggy Nille signe ici un album au style kawaii très différent de ses autres livres, plein d’énergie et où l’œil se perd dans la richesse des décors mêlant nature luxuriante et humour. On sourit, on s’émeut, on s’attendrit.

De cette forêt débordante de vie, on glisse vers un autre décor : un monde post-apocalyptique où les humains semblent avoir disparu. La nature a repris ses droits. Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau, raconte l’odyssée d’un chat solitaire qui, après une forte montée des eaux, trouve refuge sur un bateau brinquebalant avec d'autres animaux perdus : un chien, un oiseau, un lémurien. Adapté du film d’animation sans dialogues et multi-primé de Gints Zilbalodis, cet album dit tout par l’image et les descriptions : les ciels mouvants, la lumière sur les vagues, les gestes hésitants des animaux... D’abord craintif, Flow apprend à affronter sa peur de l’eau et surtout à vivre avec les autres. Ensemble, les naufragés découvrent que la survie est aussi une question de confiance. Entre tempêtes et accalmies, leur voyage devient une fable poétique sur le vivre-ensemble et la reconstruction. Les animaux finissent par dépasser leurs différences et s’adaptent au nouveau monde qui s’impose à eux. On se prend à rêver à ce monde sans hommes où les bêtes réinventent la vie. Flow, symbole d’adaptation et de résilience, trace la voie d’un futur apaisé.

Vient maintenant le moment de quitter le bateau pour reprendre la route, ou plutôt les airs, avec un chat voyageur : Picpuce. Le chat de Solal et Adèle a décidé de faire le tour du monde. Tandis que les enfants préparent Noël et décorent le sapin, ils reçoivent de Picpuce des lettres venues des quatre coins du globe : du Mexique à la Finlande, de l’Australie à l’Éthiopie. Cinq véritables courriers à ouvrir ponctuent le récit, transformant la lecture en jeu. À travers ses missives, Picpuce raconte les traditions locales, les mets partagés, les danses et les lumières. Au Mexique, les enfants cassent des piñatas colorées ; en Finlande, les rennes s’élancent sous les aurores boréales. Chaque escale célèbre une autre manière de dire la fête, la famille et la joie. Les illustrations, douces et pleines d’humour, accompagnent cette correspondance touchante où l’on sent toute la malice du voyageur à moustaches. Et tandis que les lettres s’accumulent, Solal et Adèle voyagent, rient. Ils apprennent que si le 25 décembre ne se célèbre pas partout de la même façon, il porte partout la même chaleur car Noël rime avec partage et tendresse.

De la forêt grouillante de Papa chat cherche ses 100 chats à l’océan sans fin de Flow, jusqu’aux paysages enneigés de Mon Chat autour du monde, le lecteur suit un fil invisible : celui de la curiosité et de la liberté. Trois chats, trois destins, trois façons d’explorer le monde et les sentiments. Le premier incarne l’amour familial et la patience, le second la résilience face à l’inconnu, le troisième la découverte joyeuse de la différence. À travers eux, c’est toute la richesse de l’enfance qui s’exprime : la peur, la confiance, l’émerveillement. Tantôt comique, tantôt méditatif, le chat reste un héros universel, tour à tour père attentif, aventurier téméraire ou messager du monde. Ces albums, pleins de chaleur et de poésie, rappellent que sous leurs moustaches, les chats cachent souvent le plus humain des cœurs.