Littérature française

Adrien Bosc

Colonne

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photo libraire

Chronique de Lyonel Sasso

Librairie Dialogues (Morlaix)

Dans un récit limpide, Adrien Bosc nous fait voir les dernières semaines de la philosophe Simone Weil. On découvre une jeune femme partagée entre ses idées de grandeur et un rapport aux autres compliqué. Portrait saisissant d’une vie tumultueuse.

Dans une pénurie d’espoir, elle semble toujours vouloir porter à ses lèvres la joie. Elle voit mal et porte la carabine comme une canne à pêche. Simone Weil fatigue, inquiète ses camarades de combat : nous sommes en pleine guerre d’Espagne. Elle demeure virevoltante comme une comète mais pour certains, il s’agit plutôt d’un boulet. Adrien Bosc, dès les premières pages, écrit des scènes ordinaires de temps de guerre. Ces journées banales – fatigue d’une marche, hébétude et contemplation, ennemis visibles ou invisibles et la mort à tous les tournants – se voient bousculées par l’irruption d’un personnage hautement inflammable. Weil détonne comme une balle mal placée dans ce cadre trop réel d’hommes et de batailles. Bosc, avec délicatesse, nous fait remarquer comment les proches de la philosophe ont pu parfois se refiler la patate chaude. C’est, là, la force du texte d’Adrien Bosc. Décrire cette fin de vie pathétique, une vie qui continue à s’enrubanner d’enluminures grandioses. On retrouve, évidemment, la lettre envoyée à Georges Bernanos, cet ennemi politique et cet ami spirituel. Bosc place cette lettre au centre de son livre, la figurant comme la colonne d’une existence, le repère unique. C’est terriblement vrai tant cette missive dévoile une jeune femme constellée de doutes et présentant un orgueil brûlant qui causera sa perte. Adrien Bosc interroge les limites contrariées de l’idéalisme avec le réel et les grandes amertumes qui en découlent. Simone Weil a bien fait partie des colonnes de Durutti mais elle y a siégé comme une enfant, une enfant à la recherche de figures pures comme dans la légende arthurienne. Elle finira par écrire de longues lettres mensongères à ses parents pour ne pas dire qu’elle crève sur un lit d’hôpital anglais. Les colonnes finissent toujours par s’écrouler.

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