Beaux livres

Jean-Luc Porquet

Cabu

illustration

Chronique de Arnaud Bresson

Librairie Sauramps Comédie (Montpellier)

D’une vie s’achevant tragiquement le 7 janvier 2015 lors de l’attentat contre Charlie Hebdo, voici l’histoire riche, drôle, impertinente et infiniment touchante d’un surdoué du dessin, personnage attachant devenu malgré lui un symbole du combat de la liberté de penser et de la démocratie contre l’obscurantisme.

Après une enfance joyeuse et sans histoires au sein d’une famille bourgeoise champenoise, Jean Cabut se passionne très tôt pour le dessin et remplit des carnets entiers d’illustrations. Et il est doué ! Pour preuve, ses premiers dessins de presse paraissent en 1953 dans un journal local : il a quinze ans à peine ! La période primordiale qui va forger son antimilitarisme forcené teinté d’humour corrosif, c’est bien évidemment sa mobilisation pendant ce qu’on appelait alors la « pacification » de l’Algérie, vingt-sept mois au cours desquels il se rend douloureusement compte de l’absurdité de la guerre et où sa conscience politique s’éveille. Il traversera donc les décennies 1960 et 1970 en participant à toutes les aventures d’une nouvelle presse qui se voulait différente, dissonante et irrespectueuse du pouvoir. Sous ses abords de dilettante, Cabu est un véritable stakhanoviste du dessin. Après avoir vécu la folle histoire des débuts d’Hara-Kiri aux côtés de Cavanna et Choron, à l’orée des années 1960, il participe également à l’éclosion du magazine qui allait révolutionner le dessin et la bande dessinée, le célébrissime Pilote, dirigé par Goscinny. Il y créera son personnage phare, Le Grand Duduche, qui traversera toutes les décennies suivantes aux côtés de son créateur. Il prend également part, à partir de 1969, à la formidable aventure de Charlie Hebdo première génération, dans lequel il invente le reportage dessiné et surtout le cultissime personnage du Beauf. C’est dans cette période sulfureuse qu’il affirme clairement son positionnement politique : un soixante-huitard assumé, épris d’écologie, de justice, de liberté et de solidarité. Il tâtera de la télévision au cours des années 1980 en participant à Récré A2, Droit de réponse ou encore Sept sur sept. Ces années voient aussi débuter sa plus longue collaboration avec un organe de presse : Le Canard enchaîné dont il sera un des piliers trente-trois ans durant et où il déclinera son Beauf chaque semaine. En parallèle, commence ce qui sera la plus emblématique des pérégrinations professionnelles du dessinateur, à savoir la seconde vie de Charlie Hebdo, dès 1992, dans laquelle Cabu endosse le rôle du grand frère bienveillant d’une nouvelle génération d’illustrateurs : Charb, Luz ou Riss. Jusqu’à ce mercredi fatidique où tout a basculé de façon tragique et irrémédiable. Jean-Luc Porquet réunit ici de nombreux documents, recueille les témoignages des proches de Cabu et ajoute son expérience propre : journaliste au Palmipède, il a étroitement collaboré avec le dessinateur.

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