Beaux livres

Antoine Sire

Hollywood, la cité des femmes

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Chronique de Arnaud Bresson

Librairie Sauramps Comédie (Montpellier)

À l’heure où le peuple américain préfère élire un homme, fût-il démagogue et populiste, plutôt qu’une femme à la tête de leur nation, qu’il est doux de se souvenir de la grâce et de l’esprit de ces actrices qui ont permis au cinéma hollywoodien de rayonner dans le monde entier.

Quel paradoxe d’intituler son ouvrage Hollywood la cité des femmes quand on sait à quel point « The City of Dreams » fut, notamment au cours de son âge d’or, à ce point misogyne. En effet, l’industrie américaine du cinéma s’est nourrie de la fantasmagorie de ses stars féminines fabriquées pour plaire et faire rêver un public toujours plus en demande de glamour et de paillettes. Mais les grands studios californiens avaient pour leurs employés des pratiques managériales singulières, qui voyaient, entre autres, les réalisateurs, acteurs et actrices pieds et poings liés par leurs contrats. Ceux-ci les soumettaient au bon vouloir des magnats du divertissement. Et, au-delà de leurs conditions de travail, les actrices étaient notoirement plus maltraitées que leurs homologues masculins, notamment en termes de salaires. Cependant, Antoine Sire démontre dans son ouvrage, à travers une enquête approfondie sur les actrices les plus remarquables des années 1930-1950, combien nombre d’entre elles ont réussi, par leur intelligence souvent, leur sens tactique parfois, leur ruse aussi, leur caractère toujours, à se défaire des tentacules de la pieuvre hollywoodienne pour mener leur carrière – comme bon leur semblait ou du moins en essayant de garder leur probité et une certaine liberté. Ce fut toutefois souvent au prix d’un combat permanent que ces actrices purent s’émanciper, en tant qu’artiste, mais également s’affirmer en tant que femme. Il serait abusif de la part de l’auteur de ces quelques lignes de faire croire au lecteur qu’il a avalé l’intégralité des 1 259 pages de cet imposant ouvrage. Cependant, il est aisé de flâner à travers cette encyclopédie d’une étonnante exhaustivité. On imagine sans mal le travail qu’il a fallu fournir afin de produire une telle somme, mais aussi la passion amoureuse que l’auteur entretient avec le septième art. Quel plaisir de voir mises en valeurs celles qui furent écrasées par les Marilyn Monroe, Bette Davis ou Katharine Hepburn. Sans rien enlever aux qualités de ces immenses stars, il est heureux de se plonger dans le parcours de Jean Arthur, héroïne de comédies de Capra, ou Margaret Sullavan, exquise interprète du chef-d’œuvre de la comédie romantique The Shop Around the Corner de Lubitsch, ou encore la sublime et énigmatique Gene Tierney, qui fut le personnage principal de Laura d’Otto Preminger, aux côtés de Dana Andrews. Cet ouvrage unique en son genre est promis à devenir l’un des piliers de toute bonne bibliothèque cinéphile qui se respecte. À noter qu’il est édité en coédition avec l’Institut Lumière dans la série dirigée par Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier.

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