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Littérature française

Pascal Quignard

Trésor caché

✒ Nicolas Mouton

(Librairie Le Presse papier, Argenteuil)

De l’œuvre foisonnante de Pascal Quignard, où l’écriture est en perpétuelle aventure, la part strictement romanesque semble négligée tant est importante sa vaste entreprise du Dernier royaume. Cependant elle compte une quinzaine de titres et Trésor caché, qui en concentre toute l’expérience, touche à l’acmé de son art.

Cela commence comme un conte : Louise, au mitan de sa vie, vient de perdre Peer, le chat qui l’accompagnait depuis dix-sept ans. À l’endroit du jardin qu’il préférait, elle lui offre des funérailles de pharaon. En creusant la terre pour y planter des dahlias, elle tombe sur un coffre contenant trois bagues et des louis d’or. « Elle voyagea, poussa la porte des joailliers… », ce qui est une allusion évidente à Flaubert : « Il voyagea. Il connut la mélancolie des paquebots… ». Est-ce à dire que Louise entame une nouvelle éducation sentimentale ? Hantée par le deuil (celui de Peer, qui préfigure celui du père), elle suit le cours des eaux, changeantes et semblables, comme dans le roman s’écoule le temps. Pascal Quignard joue tout au long de son récit avec les mythes, les musiques, les allusions littéraires, comme à Naples où dans les jardins de Virgile (on pense aux Bucoliques ou à L’Énéide). Descente aux Enfers, barque, rencontre de Luigi, un Caron sorti d’un film de Visconti et c’est l’ouverture sur l’inconscient, avec ses rêves à déchiffrer : « l’autre scène » dont parle Freud et la nuit infinie du désir. Du corps et de l’esprit, quelle est la partition ? La métaphore musicale court tout le texte, du Roi des Aulnes à Peer Gynt, en passant par le chat Bach : expérience des profondeurs, quête du silence, contemplation de la nature, solitude conquise, le roman raconte un monde auquel se réaccorder. Cette harmonie qui touche à l’ordre des choses, il fallait un style enchanteur pour l’atteindre ; Pascal Quignard déploie une langue de poète rarement atteinte dans le roman contemporain. Entre immanence et transcendance, comment sortir de son Royaume ?

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