Littérature française

Agnès Desarthe

Le Château des rentiers

illustration

Chronique de Betty Duval-Hubert

Librairie La Buissonnière (Yvetot)

Une utopie réaliste, une fable élégante, émouvante et savoureuse autour de la vieillesse. Un projet idéaliste empli d'une bienveillance sans contraintes, allègre. Un désir d'être soi, serein, avec les siens.

Le Château des Rentiers est une fantaisie romanesque, tantôt enjouée, lumineuse et drôle, tantôt mélancolique, sévère et grave. C'est le lieu des souvenirs et de la mémoire, du temps qui passe et qui a passé, du temps qu'il reste à vivre, à penser et à panser. Les grands-parents maternels de l'auteure ont connu, dans cette rue du XIIIe arrondissement de Paris dont le roman porte le nom, une vie intime et communautaire hors normes. L'air de rien, accompagnés de leurs amis, pour certains rescapés des rafles et des camps d'extermination nazis, ils ont investi et habité plusieurs appartements d'un immeuble flambant neuf, créant ainsi un phalanstère surprenant au cœur du Paris du XXe siècle. « Avaient-ils compris que la vieillesse est plus âpre quand elle est solitaire ? » Enfant, l'auteure se souvient y être allée fréquemment, avec amusement, sans ennui et sans contraintes. Il y avait ce plaisir fugace des rencontres, des visites inattendues, des échanges de recettes culinaires traditionnelles, des disputes en yiddish ou en russe, des couloirs à traverser pour circuler d'une famille à l'autre dans une ambiance d'éternelle jeunesse. Ils étaient des survivants, en sursis, heureux d'être encore présents, discrets dans leurs douleurs et leurs souffrances. Serait-ce complètement utopique et fallacieux de créer un tel endroit aujourd'hui, de réunir les siens, sa famille et ses amis proches dans un lieu pensé, adapté et accueillant ? À quel moment comprend-on la vieillesse ? Comment accepte-t-on de vieillir ou pas ? Convoquant un chœur réel ou imaginaire, l’auteure apporte des possibilités de réponses à ces questions. De l'acceptation au déni, en passant par la colère, la peur, le rejet, la sempiternelle complainte et ce souhait d'être simplement sans trop de douleurs ni d'empêchements, on perçoit la fragilité d'être humain et le bonheur d'être vivant.