Littérature étrangère

Richard Yates

Menteurs amoureux

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photo libraire

Chronique de Sandrine Maliver-Perrin

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Redécouvert en 2009 grâce à l’adaptation cinématographique de son roman Fenêtre panoramique, Richard Yates (1926-1992) livre dans ce recueil des portraits saisissants et des fragments de vie qui confirment son immense talent.

Nul ou presque ne se souvenait de Richard Yates, jusqu’au jour où le cinéaste Sam Mendes s’empara de son roman pour en tirer ce film extraordinaire qu’est Les Noces rebelles. On redécouvrit alors un des écrivains américains majeurs de la seconde moitié du xxe siècle, peintre impitoyable des désillusions et de la condition humaine ordinaire. Il a l’art de décrire les difficultés de la vie quotidienne, l’érosion lente et exténuante qu’elle inflige aux individus et à leurs rêves. Les frustrations qui couvent inexorablement derrière les façades des maisons aseptisées des banlieues proprettes américaines. Recueil étonnamment personnel, Menteurs amoureux éclaire l’œuvre de celui qui a inspiré tant d’auteurs contemporains, dont Raymond Carver ou Richard Ford. De la première à la dernière histoire, Yates tisse les fils d’un écheveau autobiographique que nous déroulons peu à peu. Ici, les femmes divorcent, décident de gagner leur indépendance ou de vivre la vie de bohème en espérant la reconnaissance sociale. Elles sont plus souvent menteuses, calculatrices et fourbes que sympathiques. Les hommes sont des soldats traumatisés par la guerre, des écrivains frustrés, des employés de bureau minables, souvent pathétiques et faibles. Il faut faire semblant d’aller bien alors que tout va mal. L’alcool coule à flot pour pallier le désœuvrement, et il règne comme un arrière-goût de l’époque fitzgeraldienne. Tous ces personnages ne sont finalement que des marionnettes face à leur destin, et la fidélité à leurs rêves. L’idée qu’ils se faisaient de la vie n’empêche aucun d’entre eux de s’y laisser enfermer et d’en subir les revers. Comme le disait Yates, ceux qui réussissent ne l’intéressent pas.