Littérature étrangère

Anthony Doerr

La Cité des nuages et des oiseaux

  • Anthony Doerr
    Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marina Boraso
    Albin Michel
    09/02/2023
    693 p., 24.90 €
  • Chronique de Michel Edo
    Librairie Lucioles (Vienne)
  • Lu & conseillé par
    30 libraire(s)
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Chronique de Michel Edo

Librairie Lucioles (Vienne)

Les romans sont une célébration du pouvoir absolu de l'imagination. Il suffit de se laisser porter par l'inventivité incommensurable d'Anthony Doerr pour s'en persuader. Son dernier livre propulse notre bonheur de lecture à des altitudes stratosphériques.

La Cité des nuages et des oiseaux est l'histoire du mystère de la littérature. Comment un roman écrit par un Grec il y a environ 2200 ans a-t-il pu nous parvenir et surtout, comment est-il passé de main en main depuis qu'un homme a accouché de cette merveilleuse histoire qui a influencé les destins de ceux qui l'ont lue ? Au cœur de la plus grande bibliothèque du monde, à Constantinople, en 1453, dort un vieux manuscrit humide et rongé par les vers. Endurant les siècles, il attend qu'un œil le révèle et offre son histoire au monde entier. Une jeune fille, Anna, petite main couturière soumise à la rigueur de sa communauté, est initiée au mystère des livres par un vieux bonhomme. Pendant qu'à l'extérieur de l'enceinte, les canons des Ottomans pilonnent sans cesse la muraille millénaire, elle maraude dans les vieux bâtiments de la cité à la recherche de ces feuillets reliés, incompréhensibles, qui la fascinent pourtant. Cinq siècles plus tard, un ancien combattant de la guerre de Corée, bénévole à la bibliothèque de sa ville, tente avec opiniâtreté de traduire ce même texte. Fils d'un immigré, il n'a pas fait d'études mais il sait qu'à l'intérieur de ces pages se cache un trésor, le seul qui vaille, l'émerveillement. Prisonnier pendant la guerre, il n'a dû son salut qu'à un homme. Il lui a patiemment transmis son savoir du grec ancien, par amour et pour ne pas sombrer dans le désespoir. Deux siècles plus tard, parti d'une Terre devenue invivable, un vaisseau spatial cherche un havre aux confins de l'univers connu. Une enfant rêveuse et avide de savoir trouve dans les rayons virtuels de la bibliothèque un livre écrit dans une langue inconnue dont elle pressent qu'il porte en lui la clé du mystère de son existence. Ces trois récits s'entrecroisent avec une virtuosité qui confine au génie. Anthony Doerr utilise cette période d'immenses changements qu'est la fin du XVe siècle, à la fois comme un terreau fictionnel et comme un miroir de notre propre époque. À l'invention de l'imprimerie et l'utilisation massive de l'artillerie répondent la diffusion massive de l'information via les réseaux sociaux et son corollaire, les vérités alternatives qui attisent les colères jusqu'à la folie meurtrière. De ce chaos pourtant émerge une constante qui porte en elle tout l'espoir de l'humanité : quelques-uns, avides de rêve et de transcendance, deviennent les rayonnages d'une bibliothèque qui relie l'aube des hommes jusqu'à son crépuscule pour transmettre tout ce que l'esprit a pu créer de sublime.

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