Littérature française

Serge Pey

Le Trésor de la Guerre d’Espagne

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photo libraire

Chronique de Michel Edo

Librairie Lucioles (Vienne)

Le Trésor de la guerre d’Espagne est un recueil de récits d’enfance se déroulant sous le règne de Franco, mais pour comprendre les raisons et l’âme de ce livre, 
il faut dire auparavant quelques mots de son auteur.

Serge Pey est né en 1950 à Toulouse de parents espagnols réfugiés en France. Il a été bercé par les conversations d’un cercle familial farouchement antifranquiste. Dans les années 1970 et 1980, il fonde deux revues de poésie, et suit depuis un parcours hors normes. La poésie et les performances qu’il donne aux quatre coins du monde sont l’œuvre d’un homme possédé par sa langue, presque en transe, et qui scande ses phrases comme on affûte une lame, longuement, avec force et précision. Son écriture est faite de pierre, de poussière, elle est rude, chamanique, engagée. Les récits de ce recueil portent la marque de ces années passées à polir le langage, il n’y a jamais un mot de trop et la poésie, c’est-à-dire la capacité à montrer le sublime, affleure à chaque instant. Dans son Traité à l’usage des chemins et des bâtons, publié en 2008, une phrase résume sa démarche : « la poésie sert à faire avaler la poussière », et c’est bien de cela qu’il s’agit dans Le Trésor de la guerre d’Espagne. Que ce soit la mère, que tout le monde croit folle à étendre son linge par tous les temps sans rime ni raison, le vieil oncle qui baptise au couteau tous les arbres de son verger du nom de résistants tombés sous les balles, ou encore l’instituteur du village qui, du fond de sa prison, continue de jouer aux échecs avec les moyens du bord, ces destins tragiques ont la beauté des gestes inutiles et porteurs d’espérance. Toutes ces histoires auraient pu tomber dans l’oubli. Ce sont des histoires de fous, de gens qui se moquent des règles et qui résistent, non par idéologie, mais pour continuer à vivre comme ils l’entendent. Il y a celle, bouleversante, qui ouvre le recueil et donne le ton : un homme est debout au milieu de sa cour, et rien, ni les menaces ni les balles ne le feront changer de place. Ce n’est pas un héros, pas un révolutionnaire, juste un paysan, mais il a le courage d’un chêne et sait, au contraire de l’arbre, que lorsque la hache se lèvera, c’en sera fini de lui.

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