Littérature française

Valérie Zenatti

Qui-vive

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photo libraire

Chronique de Michel Edo

Librairie Lucioles (Vienne)

Dans son nouveau roman, Valérie Zenatti essaie d'approcher au plus près le sentiment d'étouffement et d'impuissance d'une femme face à un monde d'où toute douceur, toute altérité, semblent avoir diparu.

Mathilde est prof d'Histoire-Géo, elle est mariée, a une ado qu'elle ne comprend pas toujours mais avec qui elle rit encore. Elle lutte pour ne pas perdre ses repères. Mais ils s'effritent plus vite qu'elle ne peut les reconstruire. Ça a été le 11 septembre d'abord, l'attentat de Charlie, celui de l'Hyper-casher et le massacre du Bataclan. Elle pense se remettre à vivre après ça mais peut-être un peu moins bien. Il y a eu le confinement ensuite, peut-être une parenthèse de grâce coupable, et finalement ce retour à un «  semblant de vie » où tout le monde s'est empressé d'oublier les bonnes résolutions prises pendant ces mois d'immobilité forcée. Mathilde pressent qu'elle perd son élan vital. Ses insomnies à répétition lui donnent le sentiment d'une acuité accrue mais elle n'est plus reliée à elle même. Sans trop peser le pour et le contre, elle décide d'un séjour seule en Israël. Avec le recul, elle supposera que la première impulsion à ce voyage a été la mort de Léonard Cohen, quelques jours avant l'élection de Trump. La mort de son grand-père aussi, vieux bonhomme bouleversé par la maladie d'alzheimer qui laisse après sa mort un point d'interrogation auquel Mathilde ne peut répondre. Et puis il y a l'arrivée sur la terre sainte pour elle si étrangère et si familière. Il y a le bruit, l'énergie, les tensions et la joie de se sentir étrangère. Il y a aussi les retrouvailles avec un cousin et les rencontres au gré de son périple qui lui redonnent foi en la possibilité d'entrer en contact avec autrui. Plus elle avance, plus elle se perd et plus elle renoue avec ses perceptions, avec ce sentiment de fébrilité, d'incertitude, d'attention extrême aux autres. Loin des siens, loin de son quotidien, elle redevient cette femme sur le qui-vive, cette femme qui agit qui pense, qui aime et s'émeut, en un mot qui vit et qui ressent à nouveau son élan vital.

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