Littérature française

Dominique Fortier

Les Ombres blanches

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Chronique de Marie-Ève Charbonnier

Librairie Paroles (Saint-Mandé)

Dans ce nouveau roman, Dominique Fortier poursuit son cheminement avec la grande poétesse américaine en narrant la façon dont ses poèmes ont été édités après son décès. Une douce rêverie poétique.

On avait lu il y a trois ans, avec un bonheur absolu, Les Villes de papier (Grasset et Le Livre de Poche) qui racontait la vie d’Emily Dickinson et qui avait valu à l’autrice le prix Renaudot essai. Ce précédent roman brossait les creux et les trous de sa vie, sans chercher à les combler, juste en les soulignant, en s’appuyant sur la magie d’une langue poétique. Dominique Fortier revient aujourd’hui avec Les Ombres blanches qui pourrait être considéré comme une suite. D’ailleurs l’autrice dit elle-même avoir ressenti le besoin d’écrire sur les femmes qui « ont survécu [à Emily Dickinson] et qui lui ont en quelque sorte redonné vie ». En racontant ces années qui ont suivi son décès en 1888, c’est l’histoire de l’édition de ses œuvres que l’on suit. Sa sœur Lavinia s’était engagée à ne jamais publier sa correspondance mais quand elle découvre une malle avec près de 1800 poèmes ou bribes de textes, elle sent qu’elle tient un trésor entre ses mains. Et veut le rendre public. Comment ? L’écriture d’Emily Dickinson est particulière, faite de tirets, de majuscules étonnantes, de mots qui ne riment pas. Tout sauf quelque chose de conventionnel ! Elle se fait donc aider par leur belle-sœur, Susan et par Mabel, la maîtresse de leur frère. Qui vont finir par se partager (ou plutôt garder chacune de leur côté) des bouts de manuscrits. Une guerre en quelque sorte. Et un véritable roman en soi ! Évidemment, comme dans Les Villes de papier, ce qui compte tout autant que l’histoire, c’est la façon de la raconter. De la poésie pure. Dominique Fortier habille les maigres faits, les trous, avec sa sensibilité. Quand on la lit, tout semble évident et pur. Autant dire que ceux qui avaient aimé le premier aimeront le deuxième, c’est une certitude absolue ! Et que ceux qui ne l’ont pas encore lu ont l’énorme chance de pouvoir découvrir deux livres coup sur coup.