Bande dessinée

Boulet , Pénélope Bagieu

La Page blanche

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photo libraire

Chronique de Roxanne Moreil

Librairie L'Oiseau tempête (Saint-Nazaire)

En réunissant les deux auteurs phare de la blogosphère le temps d’un album, Guy Delcourt publie quelques jours avant le festival d’Angoulême ce qui s’annonce comme la sortie événement du début d’année. Un scénario dense et un dessin délicat pour des pages loin d’être blanches…

Respectivement connus pour leurs blogs Ma vie est tout à fait fascinante et Bouletcorp qui comptabilisent chacun plusieurs dizaines de milliers de visites quotidiennes, Pénélope Bagieu et Boulet naviguent du support numérique au papier avec un succès grandissant.

S’il a déjà beaucoup publié et notamment six tomes de ses « Notes » chez Delcourt, c’est la première fois que Boulet délaisse le crayon au profit du seul scénario. Il livre ici l’histoire troublante d’Éloïse, une jeune femme qui perd mystérieusement la mémoire et enquête sur sa propre identité. Le récit commence au moment où, assise sur un banc, l’héroïne reprend ses esprits et réalise qu’elle a oublié son identité, de son adresse jusqu’à son propre nom. Débute alors une étonnante investigation, où elle va méthodiquement fouiller son appartement, de la bibliothèque au fond du placard, essayant d’y trouver des indices qui pourraient l’aider à recouvrer la mémoire.

Le dessin est entièrement réalisé par Pénélope Bagieu qui, forte de cette collaboration, nous prouve son talent avec un trait plus lâché que dans ses albums précédents et des points de vue audacieux. Elle parvient à donner vie à son personnage et, par des postures, des gestes et des expressions, lui construit une véritable personnalité. Elle démontre, avec ce trait féminin qui la caractérise, que le plus petit geste, aussi anodin puisse-t-il paraître, en dit long sur quelqu’un. En faisant de son héroïne une libraire travaillant pour une grande surface culturelle, le scénariste s’interroge sur la culture de masse et la place écrasante qu’elle occupe, au détriment d’une sensibilité individuelle. La question est de savoir si, dans le fond, nos goûts témoignent avec justesse de la personne que l’on est vraiment.

À la croisée du polar et du conte initiatique, le scénario de Boulet est dense et traverse autant de thèmes, de lieux que d’atmosphères différentes. Très cinématographique, son histoire témoigne d’un imaginaire nourri aussi bien de questions d’ordre métaphysique que de préoccupations triviales et amusantes. Au fil des pages, le drame de l’amnésie laisse place à l’introspection puis à la reconstruction. Avec l’humour qu’on leur connaît, Boulet et Pénélope Bagieu entraînent leurs lecteurs vers cette conclusion optimiste : peu importe qui nous avons été, l’essentiel est de savoir qui l’on veut devenir.