Littérature française

Jean Ray

Les Contes du whisky

illustration
photo libraire

Chronique de Jérôme Dejean

Librairie Les Traversées (Paris)

La création d’une collection à son nom et la sortie conjointe de deux premiers ouvrages par les éditions Alma sont l’occasion de (re)découvrir l’œuvre de Jean Ray, grand maître de la littérature fantastique d’outre Quiévrain.

Sertis dans un écrin magistralement illustré de noirs et gris (faire la liaison) par le dessinateur Philippe Foerster, la double publication de La Cité de l’indicible peur et Les Contes du whisky – les deux premiers tomes de la collection –, est l’occasion de plonger avec délectation, et un peu d’appréhension quand même (car ça fout les chocottes !), dans l’univers étrange de Jean Ray. De son vrai nom, Jean-Raymond Marie de Kremer est né à Gand en Belgique en 1887. Sa biographie romancée (fantasmée) le décrit tour à tour comme trafiquant d’alcool, dompteur de tigres, coupeur de têtes à Canton, et compagnon de route de Blaise Cendrars en Jamaïque… « Voleur d’amphores au fond des criques », aurait dit Bashung. Billevesées, fredaines et coquecigrues, me direz-vous ? Justement, l’invention pléthorique d’histoires, c’est la particularité de Jean Ray, et sa force. Un auteur, qui à l’instar d’un Donald Westlake ou d’un Fernando Pessoa, jongle avec les pseudonymes, voire les hétéronymes. Ainsi, travaillant sur la série des Harry Dickson, « le Sherlock Holmes américain », il sera tour à tour traducteur, auteur, concepteur, jusqu’à devenir dans l’imaginaire collectif son propre créateur. Mais Jean Ray, c’est aussi une façon bien particulière de jongler avec les codes du fantastique et du gothique anglais, en donnant au genre un je ne sais quoi d’étrangement familier et continental. Ainsi, La Cité de l’indicible peur, qui fut adaptée au cinéma par Jean-Pierre Mocky, évoque, un mariage cinématographique entre Claude Chabrol et Tim Burton. Paraphrasant Joachim du Bellay, « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage », je ne saurai trop vous inviter à vous précipiter sur cette collection et à vous immerger dans ces histoires poisseuses à souhait, chaînon manquant entre Edgar Allan Poe, H. P. Lovecraft et Stephen King.

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