Jeunesse

Lauren St John

Le Voyage de Makena

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Chronique de Aurélie Bouhours

Librairie Au temps des livres (Sully-sur-Loire)

Pour peu que la télé ou la radio soient allumées, les enfants sont confrontés à des termes plutôt obscurs : réfugiés politiques, climatiques, de guerre, migrants, sans-papiers, clandestins, naufragés. La littérature jeunesse s’empare de cette thématique pour donner à voir des visages, des vies derrière ces mots abstraits.

« On ne court pas vers la frontière avant de voir la ville tout entière qui court aussi. » C’est par cette phrase que commence Nous avons dû partir de Malala Yousafzai. Malala revient sur son combat pour l’éducation des filles et les raisons qui l’ont poussée à fuir. 68,5 millions de personnes ont été déplacées de force en 2017. Et très nombreux sont les enfants. À travers les témoignages de Zaynab, Sabreen, Najla… ce sont des milliers d’histoires différentes qui nous sont données à comprendre. Avec toujours la même douleur d’être obligé de partir pour avoir une chance de survivre. C’est de solidarité dont il est question dans On m’appelle l’enfant i de Steve Tasane. Nous sommes dans un camp de réfugiés, avec des « mineurs isolés », c’est-à-dire des enfants tous seuls. Dans ce camp, les enfants n’ont plus de prénoms, mais une lettre. Il y a l’enfant I, l’enfant R, M… Ces enfants n’ont pas de papiers officiels pour prouver leur identité, d’où leur surnom. Ils passent leurs journées à essayer de trouver à manger, à prendre soin les uns des autres, à jouer malgré tout. L’enfant I est plein de ressources et tente d’aider ses amis à retrouver des souvenirs de leurs vies d’avant. Autre continent, autre histoire (Le Voyage de Makena) mais même douleur de l’isolement. Makena vit au Kenya avec sa famille. Une épidémie de grippe Ebola emporte brutalement ses parents. Makena se retrouve ballottée. Toujours de trop, rarement à sa place. Elle prend la fuite et se retrouve dans le gigantesque bidonville de Nairobi. Elle n’est pas la seule enfant, tant s'en faut. C’est toute une horde qui s’entraide et se bouscule pour survivre. Un récit poignant sur les racines, la famille que l’on se choisit, la résilience. C’est aussi une histoire d’enfant mineur isolé que nous relate ce très émouvant livre de Onjali Q. Rauf, Le Garçon au fond de la classe. Dans la banlieue londonienne, Alexa vit avec sa mère. Un jeune garçon arrive dans sa classe. Un garçon qui ne parle pas, ne sourit pas et ne joue pas avec les autres enfants. Ahmet est syrien et a été séparé de ses parents au cours du long périple qui l’a amené en Angleterre. Alexa et ses trois amis vont tout faire pour l’aider à retrouver ses parents. Avec l’innocence et la naïveté d’enfants de 9 ans, ils vont déplacer des montagnes et faire prendre conscience aux adultes autour d’eux qu’un enfant est, et restera toujours un enfant. L’école est un des premiers contacts des enfants réfugiés avec le pays d’accueil. Haya vient de Syrie. Elle a la chance d’être avec toute sa famille. Ils sont hébergés dans un petit village breton. Haya se lie d’amitié avec Gabriel, mais certains dans la classe ont des préjugés sur les « réfugiés ». À travers cette histoire, nous comprenons que nous avons tous, à un moment ou un autre, été des réfugiés, des exilés. On ne naît pas réfugié, on le devient. Derrière ce terme, la littérature jeunesse nous rappelle qu’il y a avant tout des êtres humains avec une histoire singulière.