Littérature étrangère

Asli Erdogan

Le silence n’est même plus à toi

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photo libraire

Chronique de Anaïs Ballin

Librairie Les mots et les choses (Boulogne-Billancourt)

Le 29 décembre, Aslı Erdoğan était remise en liberté provisoire dans le procès qui l’oppose à l’État turc. Quelques jours plus tard, Actes Sud publie Le silence même n’est plus à toi, recueil de textes parus au cours des dix dernières années dans le journal Özgür Gündem.

« Briser l’étau du silence », c’est ce qu’Actes Sud, éditeur d’Aslı Erdogan en France depuis 2003, choisit de faire avec Le silence même n’est plus à toi. Cette citation de Georges Séféris sert de titre à l’une des vingt-neuf chroniques réunies ici et remarquablement traduites par Julien Lapeyre de Cabanes. Le livre s’ouvre sur un premier texte. Nous sommes dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, nuit au cours de laquelle a lieu une tentative de putsch qui aura pour conséquence une véritable purge de la part du gouvernement. Elle servira de prétexte, notamment, à la fermeture du journal et à l’emprisonnement d’Aslı Erdogan, ainsi que d’autres membres de la rédaction. Les premières lignes ne laissent aucune place à l’hésitation, ni au répit. On est happé par une écriture abrupte et bouleversante. Qu’il s’agisse de dénoncer les violences perpétrées contre la population kurde, de faire la lumière sur le système judiciaire turc et sur les conditions de détention dramatiques qui ont cours dans ses prisons, qu’il s’agisse de mettre en question l’application des droits de l’homme, la condition des femmes ou de se dresser contre le déni du génocide arménien, chaque combat que mène Aslı Erdogan est animé du même feu, de la même intensité et de la même intransigeance. L’écriture est haletante, perpétuellement en mouvement, habitée par une tension palpable. C’est une confrontation permanente entre un désarroi profond et l’immense soif de liberté, d’égalité et de justice qui anime l’auteure.