Littérature étrangère

Monika Fagerholm

La Scène à paillettes

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photo libraire

Chronique de Catherine Florian

Librairie Violette and co (Paris)

Avec ce deuxième opus d’une œuvre virtuose, cette grande 
prêtresse scandinave qu’est Monika Fagerholm ensorcelle le lecteur 
et l’entraîne dans son univers singulier. Un récit incantatoire 
imprégné de musique.



Ce roman constitue la deuxième partie de La Fille américaine (Stock, 2007), mais, comme le précise l’éditeur, il peut se lire indépendamment. Les deux textes ont été écrits en même temps : Monika Fagerholm, Finlandaise de la minorité suédophone, avait en effet le projet d’un seul livre de 1 300 pages ! On y retrouve le même lieu dénommé le Coin, aux confins des terres nordiques, entre forêts et marais, trente ans après le crime commis en 1969 sur Eddie, surnommée la fille américaine. Le mystère de cette mort continue à hanter les personnages. Ce fait divers s’est transformé en légende et alimente toujours l’imagination des habitants. La nature, omniprésente dans le premier volume, cède progressivement la place à l’urbanisation. Les protagonistes sont reliés les uns aux autres par des liens secrets. Ils fonctionnent souvent en duo et se reflètent dans des jeux de miroirs : Rita et Solveig, Bengt et Björn, Doris et Sandra, Maj-Gun et Suzette, Johanna et Ulla. Cependant, « devenir adulte, c’est se libérer de ces jeux-là. Oser tenir debout par soi-même sur ses propres jambes. » Plusieurs histoires sont imbriquées les unes dans les autres et forment un puzzle dont les morceaux se recollent peu à peu. La composition sophistiquée et éclatée est soutenue par une écriture légère et fragmentée. Le texte labyrinthique avance en spirale, tandis que répétitions et scansions font resurgir un passé enfoui, magique et traumatique à la fois. Cette forme élaborée reflète les circonvolutions de la mémoire qui imprime des scènes fugaces de l’enfance et les font persister durant des années. L’auteure, pour qui écrire est comme se perdre dans une forêt, nous attire à travers un dédale fascinant et envoûtant à l’intérieur d’une dimension oscillant entre réalité et imaginaire. Ses personnages au bord de la folie évoluent dans un monde rêvé et poétique où les ritournelles entêtantes de l’enfance les marquent à jamais. L’adolescence est décrite comme ce moment fragile de transition où tout peut basculer sous l’empire de la fascination et de la sublimation.