Sciences humaines

Édouard Louis

Que faire de la littérature ?

✒ Juliet Romeo

(Librairie La Madeleine, Lyon)

Édouard Louis se prête au jeu de l’entretien avec Mary Kairidi et propose ainsi, avec ses réponses, une vision radicale de la littérature, qui ne peut être dissociée de considérations politiques. Un dialogue libre, serein mais aussi militant qui éclaire et propose des pistes de réflexions aux lectrices et aux lecteurs.

Édouard Louis a fait son entrée en littérature avec En finir avec Eddy Bellegueule en 2014, un livre coup de poing dans lequel il racontait son adolescence, ses origines sociales empreintes d’homophobie et sa fuite de ce milieu. S’ensuivent Histoire de la violence, Qui a tué mon père, Combats et métamorphoses d’une femme, Monique s’évade ou encore L’Effondrement, qui dressent un portrait de sa famille et de son passé. Cette œuvre autobiographique, que sous-tendent des réflexions politiques et philosophiques, ont fait d’Édouard Louis une figure de la pensée française contemporaine. Il s’inscrit également aux côtés d’Annie Ernaux ou de Didier Eribon, par exemple, comme un penseur de la notion de « transfuge de classe », sujet qu’il a étudié par ailleurs. Mais, comme il le dit au début de ces entretiens, il n’écrit pas d’essais. La littérature est pour lui le moyen de réfléchir sur la société. Ses réflexions et ses pensées sont dans ses romans. Depuis le début, il a construit ses écrits autobiographiques au regard de ses convictions politiques. Les notions de « classe » et de « domination » imprègnent chacun de ses écrits. À travers ces entretiens, il développe donc une pensée et une vision de la littérature éminemment politiques. Que ce soit dans ses réflexions sur l’autobiographie, sur le théâtre ou sur son travail d’écriture, Édouard Louis mêle le social et le politique à ses références littéraires, qui sont nombreuses et variées. Ainsi, cette discussion qui balaie de nombreux sujets, nous emporte dans une forme d’intimité de la littérature. En convoquant aussi bien Jean-Paul Sartre, Marcel Proust que Toni Morrison, Jamaica Kincaid ou Han Kang, Édouard Louis nous parle de sa vie de lecteur, de ce que la littérature nourrit en lui de réflexions et comment la littérature construit et influence sa vision du monde et de la société. Mais aussi comment il arrive à garder en tête, presque constamment, l’idée que la domination de classe est un déterminant constant de notre société et de notre rapport à l’art. Plonger dans ces entretiens, c’est plonger dans les réflexions d’un auteur qui, comme il le raconte, n’a pas grandi dans un milieu littéraire et intellectuel mais s’est construit une forteresse avec ses lectures, lui permettant de réfléchir son travail et le monde, en faisant un pas de côté. Cette idée de mouvement conclut ces entretiens en suggérant qu’il faudrait toujours se déplacer. Une idée que nous devrions toutes et tous garder en tête.

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