Bande dessinée

Sylvain Bordesoules

L'Été des charognes

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Chronique de Juliet Romeo

Librairie La Madeleine (Lyon)

En un peu moins de 300 pages, Sylvain Bordesoules parvient à adapter l’époustouflant roman de Simon Johannin, L’Été des charognes, dans lequel se mélange, au sein d’une bande d’adolescents, la solitude, la violence et la fraternité propres à cet âge mais aussi aux campagnes françaises délaissées.

En 2017, aux éditions Allia, sort le premier roman de Simon Johannin, L’Été des charognes. L’auteur, qui a grandi dans un hameau de trois maisons dans l’Hérault, a 23 ans et écrit sur sa campagne, son monde rural. Il nous raconte l’histoire d’un jeune garçon qui va traverser l’adolescence dans une campagne délaissée, dans un milieu social où les torgnoles sont monnaie courante, comme l’alcool, la prison, les animaux morts, le purin, les tracteurs et les accidents. Son récit n’est pas autobiographique mais on ne peut pas croire que tout serait inventé. Car, dans les mots de Simon Johannin, tout sonne juste. De la violence à la solitude, du sordide aux jeux d’adolescents, des abribus aux fossés. Et ces mots vous percutent, vous bousculent, vous violentent. Pour adapter un texte aussi fort, il fallait assurément s’emparer de la langue de Simon Johannin et la comprendre pour en conserver toute son authenticité. C’est ce que réussit parfaitement Sylvain Bordesoules : coller le plus possible au texte et conserver la force de son écriture. Pour accompagner les mots, les expressions, les dialogues mais aussi les silences qui se cachent dans le roman, l’auteur nous propose un dessin à l’aquarelle, aux couleurs directes. Parfois proche de la photographie, parfois dans un flou abstrait, chaque case apporte son lot de symboles, de références, de détails qui donnent du sens à ce récit de la ruralité. Si L’été des charognes est la première bande dessinée de Sylvain Bordesoules, ce dernier a travaillé auparavant comme story-boarder pour le cinéma. Un art du découpage scénique que l’on ressent dès les premières pages tant on a l’impression de plonger dans un documentaire qui n’est pas sans nous rappeler la célèbre émission Striptease. Pour chaque scène, l’auteur zoome, avec sa caméra faite de pinceaux, sur des objets, des formes, des ombres, des mains. Peu de plans larges pour beaucoup d’expressions et de détails. Cet enchaînement de séquences sert à merveille le texte et emporte en quelques traits et aplats de couleurs le lecteur au cœur de l’histoire. Les charognes de l’été sont bien présentes dès la première scène, on les devine, on les sent, on les voit. Elles contrastent avec un maillot de l’équipe de France de football, l’emballage d’une barre Granola ou un panneau McDonald’s. Elles se terrent au creux des bouteilles vides, des premiers pétards et des mains dans les culottes.

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