Littérature étrangère

Katherena Vermette

Les Femmes du North End

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Chronique de Juliet Romeo

Librairie La Madeleine (Lyon)

Dans ce premier roman traduit en France, Katherena Vermette, d’origine autochtone, nous offre un récit choral autour d’un drame, celui de l’agression d’une jeune fille à North End, banlieue défavorisée de Winnipeg.

Stella est réveillée au milieu de la nuit par son plus jeune enfant. Depuis sa fenêtre, elle voit une jeune fille se faire agresser et violer par un groupe de jeunes gens. Elle prévient la police mais la victime et les agresseurs disparaissent avant son arrivée. Alors qu’un des deux policiers pense à un simple règlement de comptes entre membres de gangs, Tommy, le second policier, la croit et entame des recherches pour retrouver la victime. Mais la parole de Stella, comme elle est autochtone, ne compte pas vraiment, ni les doutes de Tommy, métis, en proie au racisme de son co-équipier. En parallèle, le lecteur suit les voix de Cheryl, Lou et Paul, les trois femmes de la famille de la victime. Mais aussi de Phoenix, qui a fui un foyer pour adolescents ou encore d’Emily et de Zigwan, qui se retrouvent dans une fête de gang, et bien sûr celle de Tommy, le policier. Et il y a la voix que l’on n’entend pas mais qui recouvre toute cette banlieue de Winnipeg, celle de Koukoum, une grand-mère qui veille, écoute, comprend, avec toute sa bienveillance, l’entièreté d’une communauté. À travers cette histoire de famille, de secrets, de mensonges, Katherena Vermette nous donne à entendre des voix de femmes autochtones qui subissent agressions, préjugés et mise en marge de la société. L’autrice met ainsi en lumière les difficultés de cette population à faire entendre une voix, leurs voix, dans une société canadienne pétrie de racisme à leur encontre. Si de plus en plus de romans abordent la question du traitement des autochtones au Canada, Les Femmes de North End apporte sa pierre à l’édifice en offrant au lecteur un roman fort, dur, brillant et malgré tout lumineux, tant les voix diverses qui nous sont données à lire témoignent d’une entraide, d’une solidarité mais également d’une résilience sans pareille.

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