Essais

Quand elles étaient artistes

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Par Juliet Romeo

Librairie La Madeleine (Lyon)

De plus en plus d’ouvrages cherchent à faire sortir des archives des femmes artistes. Grâce aux éditions 1001 nuits, c’est Constance de Salm qui reprend sa place avec Jouir plus que lui, tandis que les éditions Phébus nous invitent à redécouvrir Rosa Bonheur, à travers ses entretiens avec Anna Klumpke.

Que ce soit Rosa Bonheur ou Constance de Salm, force est de constater que l’Histoire les a oubliées. Même si elles sont présentes dans les bibliothèques et dans les musées, leurs noms restent inconnus du grand public. Et pourtant, elles ont été connues et reconnues à leurs époques et font partie de ces femmes qui se sont battues pour les femmes et pour l’égalité et la liberté de celles-ci.
En arpentant les couloirs du musée d’Orsay, nous croisons le tableau Labourage nivernais. Ce tableau, comme tant d’autres, a été un des grands succès de Rosa Bonheur, un de ceux qui lui a valu une reconnaissance mondiale. Pourtant, nous sommes en 1849, à une époque et dans un monde où la peinture, sur de grandes toiles qui plus est, est généralement réservée aux hommes. C’était un sacré personnage quand même. Révolutionnaire dans ses thèmes de peinture (vingt ans avant Courbet, elle peint des toiles immenses sur des sujets animaliers ou issus du quotidien), elle va même jusqu’à obtenir un permis de travestissement pour pouvoir porter un pantalon dans l’espace public, pratique alors interdite aux femmes. Avec Souvenirs de ma vie, les éditions Phébus proposent une édition révisée des entretiens de Rosa Bonheur et Anna Klumpke qui résidera avec elle jusqu’à la fin de sa vie. Entre féminisme, reconnaissance sociale, réflexions sur l’art, les lectrices et lecteurs découvriront la force et la liberté inspirantes de Rosa Bonheur.
Et avec Jouir plus que lui, titre ô combien inspirant, les éditions 1001 nuits nous proposent de revenir au début du XIXe siècle en découvrant un recueil de textes inédits de Constance de Salm. Aux côtés des grands noms masculins de la littérature, la princesse aura, durant des années, tenu des salons littéraires et n’aura cessé de faire paraître des écrits tout au long de sa vie. Comme le très inspirant Vingt-quatre heures d’une femme sensible ou encore la tragédie intitulée Sapho. Dans Jouir plus que lui, elle porte avec poésie la voix des femmes en dénonçant les injustices qui leur sont faites à son époque phallocratique, sans pour autant nuire aux hommes, comme elle l’explique en avertissement. Au même titre qu’Olympe de Gouges, elle ouvre la voie à la révolte des femmes.

Lire aujourd’hui Constance de Salm ou rencontrer Rosa Bonheur, c’est se rappeler que, de tout temps, les femmes se sont battues, par l’écriture, la peinture, l’attitude. Et cela fait du bien !