Littérature étrangère

Emanuele Trevi

Le Peuple de bois

Chronique de Anne-Sophie Rouveloux

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« Les informations, se dit le Rat, sont une marchandise vendue à des gens prédisposés, par vanité et par faiblesse, à se faire des opinions. Mais avoir une opinion, ça sert à quoi ? »

En Italie, dans la région de Calabre, vivent le Rat, un ancien prêtre, et son vieil ami, le Délinquant, directeur artistique d’une chaîne de télévision locale. Un beau jour, ce dernier lui propose d’enregistrer une émission. Le Rat accepte et s’appuie sur des passages de Pinocchio pour livrer des prêches enflammés au peuple et l’exhorter à briser ses chaînes, à se révolter. Le miracle a lieu. Les auditeurs de Télé Radio Sirène en redemandent, la presse s’emballe et le Rat devient une célébrité. Mais avec le succès viennent des débordements, des menaces transformant notre fable politique en récit noir, dont il faut taire la fin, sans concessions. Dans ce court texte, le regard cynique et désenchanté du Rat est absolument réjouissant, sans parler des petites manies de nos personnages. Par exemple, Rosa, la femme du héros, entretient une « relation mystique » avec sa télécommande. Mais derrière la gaudriole se dessinent plusieurs questions philosophiques et, bien sûr, une belle critique de la machine médiatique. Car si l’on s’amuse des aventures des deux compères, on s’arrête bien souvent pour se demander : « Et nous, lecteurs, où en sommes-nous ? ».

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