Sciences humaines
Alain Bonjean
La Fabuleuse Histoire du monde végétal
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Alain Bonjean
La Fabuleuse Histoire du monde végétal
Les Belles Lettres
17/10/2025
600 pages, 35 €
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Chronique de
Éric-Michel Tosolini
Librairie Alès Librairie (Alès) - ❤ Lu et conseillé par 1 libraire(s)
✒ Éric-Michel Tosolini
(Librairie Alès Librairie, Alès)
C’est sous l’égide de Léonard de Vinci, artiste complet, que nous sommes invités à lire et réfléchir à La Fabuleuse Histoire du monde végétal. Bel ouvrage, ambitieux, rigoureux et généreux qui réjouit par la richesse de ses savoirs de haute valeur scientifique, ainsi offerts à notre curiosité.
Fabuleuse, cette histoire du monde végétal l’est à plus d’un titre. D’abord, elle nous entraîne à brides abattues de la plaine de la Limagne aux forêts du Yunnan et sait faire dialoguer le légendaire empereur aux cinq graines, Shennong, avec l’agronome Norman Borlaug, un des pères de « la révolution verte » ou les premiers maîtres de l’auteur, ses grands-pères auvergnats. Fabuleuse, cette histoire l’est aussi par la folle diversité du monde végétal, sauvage ou domestiqué à travers le temps et l’espace, que l’ouvrage permet d’approcher : du Maca, navet poussant sur les arides plateaux andins, aux propriétés étonnantes, à la non moins riche et prometteuse algue rouge qui prospère dans les mers du Pays de Galle et du Japon. Fabuleuse, elle l’est surtout par l’effort de pédagogie déployé par l’auteur dans ces pages, en vue de mettre à la disposition des lecteurs un savoir historique et scientifique de première main, dont la masse serait difficile à embrasser autrement. La photosynthèse y est expliquée, comme des éléments de mythologie celte peuvent y être médités. Fabuleuse, elle l’est encore car cette histoire, sous le regard des dieux parfois, est faite par les hommes : les savants comme les paysans. Les voyageurs et les aventuriers y tiennent aussi une place, rocambolesque parfois, puisqu’il n’y a pas de connaissance ni de civilisation sans le vol du feu. « The afternoon tea » doit beaucoup à un voleur que la Reine Victoria admira mais n’ennoblit pas. Fabuleuse enfin, cette histoire du monde végétal ne pouvait pas être sans crises ni conflits et controverses. Le livre ne manque pas d’en soulever qui nourrissent le feu des débats : sécurité alimentaire, biopiraterie, végétarisme, génie génétique et tant d’autres ! Des écosystèmes s’éteignent, mutent ou apparaissent naturellement ou sous l’action des hommes. Les sciences changent de paradigmes, bouleversant le champ des savoirs : faut-il les assimiler ou les combattre ? Mais la vivacité des débats n’offusque pas l’éclat d’un autre sentiment, étrange et profond, que provoque la lecture de La Fabuleuse Histoire du monde végétal. Car, ce qui peut sembler le plus fabuleux dans ces pages, c’est la porosité de la frontière entre nature et culture, comme celle entre savoirs traditionnels et sciences modernes : le catalogue Vilmorin y côtoie le codex de Florence où l’on trouve, comme dans une tombe néandertalienne, intégrées aux rites, symboles et mythes, des plantes médicinales étudiées et utilisées dans nos pharmacopées modernes. La nature est notre culture. Bonne lecture.