Sciences humaines

François Reynaert

L'Histoire du monde passe par Paris

✒ Éric-Michel Tosolini

(Librairie Alès, Alès)

Paris est une fête mais surtout un phare. Depuis deux siècles ont convergé vers Paris hommes, femmes et enfants, en quête de savoir, de sécurité ou de liberté. Ce sont ces mouvements, parfois oubliés, que François Reynaert raconte.

Le livre s’ouvre sur l’arrivée des Égyptiens à Paris en 1826. L’onde de choc de la campagne d’Égypte est absorbée. Un nouveau gouverneur est à la tête du pays, qui n’aura de cesse de comprendre, pour la maîtriser, le savoir qui fait la puissance des « envahisseurs francs ». Il missionne alors une trentaine de jeunes étudiants pour assimiler toutes connaissances utiles. L’un d’entre eux en tirera un bijou littéraire, L’Or que j’ai vu à Paris, publié en 1834 au Caire. L’ouvrage connaîtra un vif succès et surtout un grand retentissement politique et social au Proche et Moyen-Orient. Car d’autres viendront à Paris après eux, étudier, se former, s’y marier. C’est dans la capitale française que se tiendra le premier congrès qui verra la naissance du panarabisme. La France, puissance coloniale qui souhaite étendre son influence sur le Levant où l’ombre du colonel Lawrence plane, l’accueille volontiers. Les échos de cette aventure politique résonneront encore longtemps dans la capitale puisqu’en 1980, avenue Foch, est assassiné un des fondateurs du mouvement d’opposition au Syrien Assad père. Reynaert, piéton de Paris et maître conteur, nous entraîne, cartes en mains, dans son exploration d’un Paris havre pour tous les exilés du monde. Un temps même, il faut s’en souvenir, c’est toute la France qui fut polonaise ! Les chapitres que l’auteur consacre à l’exil des Polonais, chassés de leur pays en 1831 par les Cosaques, sont parmi les plus étonnants d’un livre qui pourtant ne ménage pas les surprises. Chopin, le plus célèbre des exilés polonais, fait l'objet d'un chapitre entier ; mais, plus inattendu et pas moins savoureuse, est l'épopée au Collège de France du poète « inspiré » Towianski. Il faudra l'intervention du préfet de police de Paris pour apaiser les esprits ! Suivront les vagues d’exilés russes, de réfugiés allemands, d’artistes noirs américains et antillais, d’intellectuels et d’ouvriers indochinois et chinois et d’écrivains-diplomates sud-américains, célèbres ou inconnus, tous fuyant la misère, la guerre, la violence politique, le racisme, l’antisémitisme ‒ quand ils ne sont pas venus à Paris en quête du discours et de la méthode de la philosophie occidentale ou de la science moderne, et forger toutes armes nécessaires pour combattre leurs oppresseurs ou le devenir eux-mêmes. Paris sera-t-il toujours un havre pour la paix et la vie de l’esprit ? Il faut l’espérer et se souvenir que François Reynaert nous assure avoir assez de matière pour donner une suite à son livre. En attendant belle lecture !

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