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Vitrail

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Chronique de Béatrice Putégnat

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Après la guerre, plus de 50 000 m2 de vitraux sont remis en place. Dès lors, le vitrail commence à être considéré comme un art à part entière. Vitrail est l’écrin de ces images fragiles, qui, depuis des siècles, jouent avec la lumière, les formes, les couleurs et attirent notre regard.

Je ne sais pas, vous… mais moi, après quelques pas dans une église, je lève inexorablement les yeux. Comme happée par les vitraux qui semblent concentrer force et fragilité dans une lumière irréelle. Comme l’écrivait Bernard Tirtiaux dans Le Passeur de lumière (Folio) en parlant de Nivard de Chassepierre, maître verrier : « Le vitrail est la forme la plus sauvage de l’art, la plus imprévisible. Le vitrail n’est que folie, métamorphose, floraison illusoire, jeu d’algues échevelées dans une rivière de lumière ». En même temps, je n’avais jamais vraiment pris la peine de m’intéresser à ces « vitres » comme à un art. Un ornement, des illustrations de la vie religieuse, sans doute… mais un art ?! Cet inventaire serti dans une iconographie d’exception et mis en relief par des communications érudites, va caresser et affûter votre regard. Alors que la France est le pays le plus riche du monde en vitraux, leur étude était tombée dans les oubliettes de l’histoire de l’art. Dans les années 1950, les 50 000 m2 de vitraux qui avaient été déposés et conservés dans des caisses en 1939, sont remontés progressivement dans leurs baies. En 1952, Corpus vitrearum est créé. Il recense les pièces, édicte les lois de conservation, établit une méthode de numérotation des baies. Grâce à ses travaux, le vitrail devient un sujet à part entière. Mais la dernière synthèse datait de 1958. Depuis, plus rien, bien que les travaux des chercheurs ont considérablement fait progresser les connaissances. Ce beau livre propose une traversée dans l’espace et le temps, depuis le Haut Moyen Âge, beaucoup mieux connu aujourd’hui grâce à des découvertes archéologiques majeures réalisées sur l’ensemble du territoire européen, grâce, aussi, à une meilleure interprétation des textes, jusqu’à ses manifestations les plus récentes. Dirigés par Michel Hérold (notamment directeur du Comité français du Corpus vitrearum) et Véronique David, une quinzaine d’auteurs nous permettent d’appréhender le vitrail-monde : histoire, techniques, nature et fonctions, iconographie, restauration… Le lecteur chemine en toute liberté à travers les communications des meilleurs spécialistes et au fil des 600 reproductions qui enrichissent le volume. Marc Walter a réalisé un véritable reportage photographique d’exception à travers le temps et les sites. Le vitrail, véritable art monumental, est présenté dans son cadre architectural ou dans les conditions privilégiées de l’observation rapprochée. Les gros plans donnent à voir, en pleine ou double page, des vues d’ensemble inédites, mais également de certains des détails échappant habituellement à la vue. Un parti pris iconographique vital et de toute beauté, qui prend tout son sens quand l’on sait que les « verres » sont si fragiles, « liant les contraintes les plus matérielles aux formes les plus merveilleuses de l’activité artistique ». Cette bible vous ouvre les portes du vitrail, « un des seuls moyens qui nous restent pour essayer d’accéder au Sublime », écrivait Serge Poliakoff, le peintre abstrait.

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